Habituellement très discrète sur le plan médiatique, Geneviève Bujold a accepté de faire la grande tournée pour soutenir la sortie de Still Mine, film dans lequel elle incarne une femme atteinte des premiers symptômes de la maladie d'Alzheimer.

«Je ne rencontre pas beaucoup de monde, a dit d'entrée de jeu Geneviève Bujold lors d'un récent passage à Montréal. Je crois même que c'est la première fois de ma vie que je vois autant de journalistes pour la sortie d'un film!»

En effet, l'actrice a toujours joué la carte de la discrétion médiatique. Au fil d'une carrière glorieuse, qui s'est jouée au Québec, mais aussi, beaucoup, en France et aux États-Unis, la vedette d'Anne of a Thousand Days, film qui lui a valu une nomination pour l'Oscar de la meilleure actrice en 1971, a toujours su cultiver son jardin à l'ombre des projecteurs.

«Ma carrière se déroule à l'intérieur de ma vie. Je n'ai jamais tout misé sur elle. Je n'ai jamais eu de plan. D'instinct, j'ai toujours su ce qui me convenait. Je n'ai jamais eu de besoins extravagants non plus. Je mène une vie très modeste, qui n'exige pas de grandes ressources financières. Cela dit, le plateau de tournage reste l'endroit où mon bonheur est le plus grand.»

Pour Still Mine, film canadien dans lequel elle donne la réplique à James Cromwell, l'actrice n'hésite pas à sortir de sa réserve habituelle. Cette nouvelle septuagénaire a en effet reçu comme un cadeau le nouveau film de Michael McGowan (Saint Ralph, Score: A Hockey Musical).

La qualité du scénario

Tiré d'une histoire vécue, Still Mine (d'abord lancé sous le titre Still au festival de Toronto l'automne dernier) relate l'histoire de Craig, homme âgé de 89 ans qui décide de construire de ses propres mains une maison adaptée aux besoins d'Irene, sa bien-aimée. Comme cette dernière commence à montrer les premiers signes de la maladie d'Alzheimer, Craig trouve ainsi un moyen de garder auprès de lui son amoureuse de toujours, quitte à affronter les bureaucrates. Selon les normes, le projet de Craig est «non conforme».

«C'est toujours la qualité du scénario qui détermine d'abord mon choix, peu importe la notoriété de l'auteur, fait remarquer l'actrice. Quand je suis intéressée, il me faut ensuite absolument parler à celui ou celle qui réalisera le film. J'ai besoin d'entendre sa voix, de le sentir au feeling. Même au téléphone, ça a tout de suite cliqué entre Michael McGowan et moi. Je l'ai rencontré une première fois à North Bay, où nous avons tourné les premières scènes, et je l'ai tout de suite aimé. Michael est un petit brillant!»

C'est aussi à cette occasion que Geneviève Bujold a pu rencontrer son partenaire de jeu, James Cromwell.

«Je le connaissais à travers ses films, bien sûr, dit l'actrice. Il travaille beaucoup. Mais je crois qu'il obtient rarement des rôles principaux. Et là, c'en est un vrai, c'en est un beau. Je ne pouvais pas rêver d'un meilleur partenaire, non seulement à cause de ses qualités humaines, mais aussi parce qu'il est un acteur exceptionnel, sur qui on peut toujours compter. Professionnel jusqu'au bout des ongles. James et moi étions conscients qu'à nos âges, de beaux rôles comme ceux-là se font plus rares. Surtout dans un grand film d'amour. Parce que Still Mine, c'est d'abord ça: deux êtres qui, même après toutes ces années, sont encore très amoureux l'un de l'autre. James et moi sommes entrés là-dedans comme si on dansait une grande valse. Et avec un aussi bon partenaire, on peut danser toute une vie!»

Un parcours peu banal

Chose certaine, le parcours de Geneviève Bujold n'est pas banal. Toujours choisie au couvent pour faire les petits «boniments» dès qu'un invité se présentait («même si les soeurs ne m'aimaient pas!», dit-elle), la jeune fille a alors eu conscience de ses aptitudes.

«J'ai alors pris conscience qu'il y avait quelque chose dans l'expression qui semblait fonctionner. C'est ce qui m'a décidée à m'inscrire au Conservatoire. Au cours de ma troisième année d'études, Jean Dalmain m'a offert le rôle de Rosine dans Le barbier de Séville au Gesù. J'ai décidé d'abandonner le Conservatoire pour accepter ce contrat. Je ne l'ai jamais regretté. Tout s'est enchaîné très rapidement par la suite.»

Après plus de 50 ans de carrière, l'actrice réaffirme sa passion pour son métier.

«Aujourd'hui, j'apprécie encore davantage les beaux rôles qu'on m'offre. J'ai l'impression d'être encore meilleure, d'avoir encore plus à offrir qu'avant. C'est la seule passion qui me reste.»

Still Mine prend l'affiche le 10 mai.

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Une histoire vraie

Pour écrire le scénario de Still Mine, Michael McGowan s'est inspiré de l'histoire de Craig Morrison, vieil homme poursuivi à plusieurs reprises parce que la maison qu'il était en train de bâtir de ses mains - la cinquième qu'il construisait dans sa vie - ne répondait pas aux exigences des inspecteurs du bâtiment, délégués par les fonctionnaires du Nouveau-Brunswick.

L'histoire du couple a d'abord été relayée par le Telegraph-Journal de Saint-Jean au moment des événements, en 2008. C'est toutefois un article du Globe and Mail, publié deux ans plus tard, qui a attiré l'attention du cinéaste.

Dans cet article, on relatait comment l'affaire avait été résolue. Un inspecteur indépendant ayant déterminé que la fameuse maison était construite de façon impeccable et dépassait même les normes, le juge Hugh McLellan est intervenu pour que cesse le harcèlement bureaucratique.

«Je n'enverrai pas un homme de 91 ans en prison et sa femme dans un centre», a-t-il déclaré. M. Morrison, qui a élevé sept enfants en compagnie de sa femme Irene, a finalement eu l'autorisation d'habiter sa nouvelle maison et d'y finir ses jours.

«Je croyais que nous vivions dans un pays libre, a déclaré M. Morrison lors de l'une de ses comparutions en cour. Je me suis malheureusement trompé. Tout ce que je voulais faire, c'est de construire une maison. J'ai été traité comme si j'étais une sorte de hors-la-loi.»

PHOTO FOURNIE PAR MONGREL/MÉTROPOLE

L'actrice décrit James Cromwell comme le meilleur partenaire de jeu dont elle pouvait rêver.