Film de fiction flirtant avec le documentaire, Kinshasa Kids, le plus récent projet du cinéaste belge Marc-Henri Wajnberg, ouvrira demain la 29e édition du festival Vues d'Afrique.

Débordante de vie et d'énergie, cette oeuvre tournée avec une audace démesurée dans les rues de la capitale de la République démocratique du Congo met en scène une certaine Rachel Mwanza.

Or, cette dernière tournera tout de suite après dans le film québécois Rebelle de Kim Nguyen, qui a connu le parcours que l'on sait.

Depuis Bruxelles où nous l'avons joint au téléphone, M. Wajnberg a répondu à nos questions.

Q : Qu'est-ce qui vous a conduit à faire ce film?

R : J'ai découvert la musique congolaise en Belgique par le biais d'un ami. Je suis allé une première fois à Kinshasa dans le but de faire un film sur la musique. Lorsque j'ai découvert la ville, j'ai été ébranlé par sa force et son énergie. Il y a là une vibration permanente. J'ai été autant estomaqué par la vie, l'humour des gens ou la façon dont ils se touchent que par la violence, la pollution, les embouteillages, les coupures d'électricité et ces milliers d'enfants (25 000) vivant dans la rue. Très vite, j'ai voulu raconter les choses autrement.

Q : Dans quelles conditions s'est fait le tournage?

R : Je suis retourné cinq fois à Kinshasa. En vivant dans la cité, j'ai été tabassé, volé, menacé, enlevé par de faux policiers. Je n'avais pas le droit de filmer les vrais policiers. Mais toutes ces mésaventures ne m'ont pas enlevé le goût d'aimer cette ville et les gens qui l'occupent. Au contraire, j'ai senti chez les gens une volonté de s'en sortir.

Q : Comment qualifier les enfants de Kinshasa?

R : Ils représentent le courage et la honte. Ils éprouvent une certaine honte de se trouver dans la situation où ils sont. Mais ces enfants sont aussi magnifiques et je voulais leur rendre hommage. À 8 ou 10 ans, ces jeunes considérés comme des sorciers sont rejetés à la rue par leurs parents et ils doivent se construire tout seuls. J'en ai recruté quelques-uns qui ont participé au film. Ils pouvaient ainsi constater qu'on peut avoir des projets dans la vie.

Q : Votre film est à la limite du documentaire...

R : Ce que vous avez vu est une fiction. Mais au départ, j'avais un projet de documentaire. Toute la structure demeure documentaire en mettant en scène des gens de la rue et des comédiens. Les scènes ont été tournées avec beaucoup d'improvisation, tout en respectant le déroulement prévu de l'action. Tout au long du projet, j'ai cherché à faire un film transgenre à la limite exacte entre fiction et documentaire. Au final, on a un film choral, à l'exemple de Short Cuts de Robert Altman, avec des histoires où les personnages se connectent les uns aux autres.

Q : Finalement, quel est le rôle de la musique dans le film ?

R : J'ai choisi des personnages qui ont tous un rapport à la musique, car celle-ci traverse les parois, les couches sociales, les âges. De plus, les enfants du film ont appris et même composé des chansons, comme celle du générique final.