Après avoir enchaîné quatre films de styles très différents, Marc-André Grondin n'a aucun projet précis pour l'instant. Cette pause lui donne l'occasion de faire le point. Et de se poser beaucoup de questions.

Il le dit d'entrée de jeu: il n'a aucun souvenir «d'avant». Aussi loin qu'il puisse remonter dans le temps, Marc-André Grondin, 29 ans, a toujours été sous les feux des projecteurs. Les téléromans, les tournages de toute nature (parmi lesquels quelques rares publicités) ont meublé son enfance. Pour lui, être acteur est un métier comme un autre. Qui ne mérite pas la glorification qu'on en fait.

«Je suis très curieux de nature, dit-il. Je m'intéresse à tout, j'aime apprendre, j'aime observer le monde. Je ne vois pas pourquoi un médecin, un chercheur ou un pompier n'aurait pas droit aux mêmes égards que quelqu'un qui va parader sous les flashes.

«Moi, si tu me crisses sur un tapis rouge, il ne se passera pas grand-chose. Je comprends mal la fascination qu'exercent les vedettes sur les gens. Cela dit, le jour où j'ai eu l'occasion de rencontrer Daniel Day-Lewis au festival de Marrakech, j'avoue que ma mâchoire est tombée. J'étais impressionné. My Left Foot m'a fait comprendre ce qu'un acteur peut accomplir.»

Au cours des deux dernières années, Marc-André Grondin a enchaîné les tournages de Goon, L'affaire Dumont, L'homme qui rit (à l'affiche vendredi prochain), et Vic et Flo ont vu un ours (présenté en compétition officielle à Berlin et à l'affiche plus tard cette année); quatre films qui ne pourraient être plus différents les uns des autres.

«Trois langues et trois pays différents!», lance-t-il en souriant.

Goon pourrait l'imposer dans le milieu anglophone, mais l'acteur ne compte pas investir toute sa vie au profit d'une carrière américaine.

«J'ai passé un petit peu de temps à Los Angeles l'an dernier et mon agent là-bas en a profité pour enchaîner des rendez-vous avec les plus grands directeurs de casting. Ils auraient fort probablement des rôles à m'offrir, mais encore faudrait-il pour cela que je reste sur place afin de pouvoir répondre sur-le-champ à leurs invitations. Or, je n'ai pas envie de m'installer là-bas. Pour l'instant, je peux bien gagner ma vie dans l'espace francophone. Je n'ai pas l'ambition particulière de devenir une star internationale.»

Un univers inédit

Pour L'homme qui rit, une adaptation cinématographique du roman philosophique de Victor Hugo, Grondin s'est frotté à un univers inédit pour lui: le drame historique.

«J'avais envie d'essayer ça, même s'il s'agit d'un univers qui, personnellement, ne m'attire pas naturellement en tant que spectateur, explique-t-il. Là, je trouvais le propos très actuel. Le jour où le printemps érable commençait à Montréal, nous avons tourné à Prague la scène où Gwynplaine, le personnage que je joue, s'adresse à la Chambre des Lords. Le discours que j'avais à livrer était parfaitement en phase avec celui des étudiants. C'est hallucinant de constater à quel point certaines choses ne changent pas!»

Pour faciliter l'emploi de perruques, l'acteur s'est rasé la tête. À la fin du tournage, il a décidé de rester chauve. Il l'est toujours aujourd'hui. Un peu comme s'il voulait remettre en jeu l'image de héros romantique qu'il véhicule malgré lui depuis C.R.A.Z.Y. Une façon de mettre aussi au défi producteurs et cinéastes.

«À l'étranger, on m'offre des rôles de «méchants» maintenant, souligne-t-il. Des personnages plus vieux aussi. Le téléphone sonne autant qu'avant, mais j'avoue que c'est lent en ce moment. Je ne parviens pas à trouver un projet de film qui m'allume. Et je ne veux pas m'éparpiller en acceptant des contrats qui n'ont rien à voir avec le métier que j'exerce. En attendant, je fais de la menuiserie, j'écris. Et je me pose des questions.»

Stop ou encore?

La constante remise en question semble faire partie de sa démarche d'acteur.

«Depuis huit ans, je me demande au moins une fois par mois si j'arrête ou si je continue. J'estime qu'il y a des choses plus importantes que ça dans l'existence. Or, il est difficile d'avoir une vie stable quand tu exerces ce métier, surtout si tu es appelé à travailler à l'étranger. Ta vie intime en souffre, tout autant que ta vie sociale. Je regarde mes amis qui sont bien installés avec leur petite famille et j'ai parfois l'impression de peut-être passer à côté de quelque chose.

«En même temps, je jouis d'une grande liberté. Je sais que c'est une chance. Je ne prendrais pas le risque de disparaître et de me faire oublier. Mais là, j'ai besoin d'être titillé un peu.»

Se faisant plutôt rare dans les médias, l'acteur réfute l'image d'acteur «rebelle» qui lui colle à la peau. «Au contraire, je suis seulement discret, fait-il valoir. Il est vrai que je n'accorde pas beaucoup d'entrevues. C'est d'ailleurs un peu mal vu au Québec. Il y en a qui pensent que je suis difficile d'approche, que je suis compliqué. Le fait est que je préfère la discrétion et que j'ai un entourage qui s'occupe de gérer les requêtes. Partout ailleurs dans le monde, c'est comme ça que ça marche.»

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L'homme qui rit prend l'affiche le 29 mars.

Photo: fournie par Mongrel/Métropole Films

Marc-André Grondin dans L'homme qui rit.