Al Pacino est de retour devant les caméras après une pause de quatre ans, prise parce qu'il était «fâché». Il revient dans Stand Up Guys, comédie noire où l'amitié se conjugue au masculin, au long cours, à la vie et à la mort. L'antihéros n'est pas fatigué. Rencontre.

Il est cool, Al Pacino: chevelure corbeau striée de blanc et non artistiquement décoiffée, vieille veste en cuir souple enfilée par-dessus un sweat-shirt à capuche et un t-shirt noir informe laissant entrevoir un tatouage - «Vrai ou faux? C'est mon secret. Dites juste que c'est un tatouage en recherche d'emploi» -, bagues et colliers, dont un crucifix.

À 72 ans, là où d'autres auraient l'air ringard, il affiche avec désinvolture la dégaine roublarde et le sourire narquois d'un vieux renard qui possède encore quelques tours dans son sac. Quatre décennies après The Godfather, le mauvais garçon n'a pas pris sa retraite et éprouve encore plus de plaisir aujourd'hui à se placer devant la caméra. «C'est encore plus intéressant que ça l'était dans le passé parce que j'en sais et j'en comprends plus aujourd'hui sur le cinéma et le théâtre. Tout ce dont j'ai besoin, c'est de trouver quelque chose qui m'excite ou me pose un défi», a-t-il expliqué à quelques journalistes rencontrés à l'occasion de la sortie prochaine de Stand Up Guys, de Fisher Stevens (The Cove).

Nuit mémorable

Il les a trouvés, l'excitation et le défi, dans cette histoire de retrouvailles et d'amitié entre... tueurs à gages. Val (Al Pacino) vient de passer 28 ans en prison pour avoir refusé de dénoncer ses complices, Doc (Christopher Walken) et Hirsch (Alan Arkin), à la suite d'un coup qui a mal tourné. La remise en liberté de Val est l'occasion pour le trio de se reformer, le temps d'une nuit mémorable au cours de laquelle la vie et la mort se conjugueront au futur proche.

Plusieurs raisons ont attiré Al Pacino vers ce projet. «Il y a un aspect unique, différent, dans le scénario. Ces trois types, leur relation, leur amitié teintée par une espèce de stigmate, je trouvais ça original. Et puis Chris était de la distribution, et je l'aime beaucoup. Même chose pour Fisher Stevens qui, après tous ces documentaires, était prêt à réaliser de la fiction. Enfin, le tournage se faisait à Los Angeles, donc près de mes plus jeunes enfants.» Pour lui, c'est un facteur déterminant de ne pas trop s'éloigner de ses jumeaux de 11 ans, Anton James et Olivia Rose. «Oh oui, je choisis mes projets en fonction d'eux!», dit-il en souriant. Al Pacino a aussi une fille de 24 ans, Julie Marie, réalisatrice.

Mais cette volonté d'être un père présent n'est pas la raison derrière son éclipse du grand écran pendant quatre ans. «J'étais fâché à propos d'un truc, laisse-t-il tomber. J'ai fait un film, on a travaillé très fort là-dessus... et ils l'ont sorti avant qu'il soit terminé! On avait encore deux semaines de tournage à faire! C'est une chose de faire partie d'un film qui ne fonctionne pas, c'en est une autre de voir un film qui n'est pas terminé prendre l'affiche en utilisant ta grosse face pour le vendre.»

Un brin diplomate, il ne mentionne ni titre ni réalisateur. Une recherche permet toutefois de deviner qu'il pourrait bien s'agir de Righteous Kill, de Jon Avnet, mal reçu du public et de la critique et vendu avec la «grosse face» d'Al Pacino, à droite de celle de Robert De Niro.

«Un homme de coeur»

Pas la langue de bois, le monsieur. Mais pas avare de compliments non plus. Ainsi, il ne tarit pas d'éloges au sujet de Fisher Stevens, «un homme de coeur, extrêmement généreux, qui comprend les acteurs. C'est une combinaison que vous voyez rarement».

Voilà qui ferait plaisir au réalisateur qui, rencontré plus tard, a mentionné à quel point il avait été impressionné, au départ, par le trio qu'il avait à diriger. «Au début, j'étais intimidé et terrifié. Mais ça a disparu quand je me suis rendu compte à quel point ils étaient là dans un seul but: faire le meilleur boulot possible. C'est formidable de voir à quel point ils sont encore engagés dans ce qu'ils font, à cette étape de leur carrière.»

Une carrière à laquelle Al Pacino n'envisage pas, en tout cas pas prochainement, de mettre un point final. Il vient de terminer le tournage du téléfilm consacré à Phil Spector, écrit et réalisé par David Mamet. La présence du dramaturge est un gros plus pour lui, car le théâtre est sa passion. Il l'alliera d'ailleurs à son amour du septième art lorsqu'il tiendra le rôle-titre dans le King Lear de Shakespeare revisité pour le grand écran par Michael Radford.

Pas de nouvelle pause en vue, donc, pour celui qui se décrit comme «un acteur, point». «Je ne peux pas ignorer que certaines personnes me voient comme une star, mais je suis un acteur avant tout. Et, pour moi, faire du cinéma et faire du théâtre, ça signifie une chose: j'ai eu beaucoup de chance. Et je ne l'oublie jamais.»

Un acteur, point. D'accord. Un vétéran, aussi? «Non, pouffe-t-il, je n'ai pas fait la guerre.» Il préfère «légende vivante», alors? Rires. «Non! Bon, enfin... si vous y tenez.» Nouveaux rires. Oui, il est vraiment cool, Al Pacino.

Stand Up Guys a pris l'affiche hier.

Les frais de voyage ont été payés par Les Films Séville.