Est-il possible de faire écho au conflit israélo-palestinien sans montrer une seule image violente? C'est le pari que tient, avec humilité, la réalisatrice Lorraine Lévy dans son nouveau film Le fils de l'autre.

Prenez le point de départ de La vie est un long fleuve tranquille, et transposez-le dans un contexte explosif: celui du conflit israélo-palestinien. Vous aurez alors une idée de la nature du Fils de l'autre, le troisième long métrage de Lorraine Lévy (La première fois que j'ai eu 20 ans, Ma vie, mes amours).

«Ce projet m'a fait très envie, mais j'en ai aussi eu très peur, confiait la réalisatrice au cours d'un entretien accordé à Paris il y a quelques mois. Il est très casse-gueule. D'autant que je ne voulais pas faire un film politique parce que je ne saurais pas faire. Je ne suis pas Costa-Gavras!»

Or, le simple fait de s'attaquer à une histoire dont les échos résonnent autant en Israël qu'en territoire palestinien fait aussi du Fils de l'autre un film à caractère politique. Forcément.

Le récit décrit en effet le parcours d'un jeune homme, Joseph (Jules Sitruk), qui découvre, au moment même où il s'apprête à effectuer son service au sein de l'armée israélienne, ne pas être le fils biologique de ses parents. À sa naissance, alors que des attentats à la bombe avaient lieu tout autour, Joseph a été échangé avec Yacine (Mehdi Dehbi), l'enfant d'une famille palestinienne de Cisjordanie.

Cette révélation provoquera inévitablement de grands bouleversements de part et d'autre dans les familles, particulièrement auprès des pères (Pascal Elbé, Khalifa Natour). Tout aussi chamboulées, les mères (Emmanuelle Devos, Areen Omari) tenteront de leur côté de tirer le meilleur parti de l'affaire.

«Il est vrai que dans cette histoire, l'acceptation est plus difficile à faire pour les pères, reconnaît Lorraine Lévy. Leur sentiment de perte est immense, car ils ont l'impression que ce fils qu'ils aiment tant et dont ils sont si fiers n'est plus le leur. Pour les mères, le point de vue est différent. Elles obéissent davantage à la loi de la chair, des tripes, du ventre. L'idée que le fils qu'elles ont élevé ne soit plus considéré comme le leur ne leur viendrait même pas à l'esprit. Cela ne change rien pour elles en fait. Elles voient plutôt l'autre garçon comme un fils en plus!»

Une équipe mixte

Tourné en Israël à l'aide d'une équipe mixte composée de Français, d'Israéliens et de Palestiniens, Le fils de l'autre constitue pour l'auteure-cinéaste, soeur de l'écrivain Marc Lévy, «une aventure humaine exceptionnelle».

«Je suis juive, mais je ne suis pas israélienne, explique-t-elle. Je ne parle pas l'hébreu. Avant le tournage du Fils de l'autre, j'étais allée en Israël à plusieurs reprises, mais seulement en touriste. Or, j'ai ressenti le besoin d'aller vivre là-bas pendant un bon moment avant même de tourner la moindre image. Il me semblait important d'avoir au préalable une meilleure idée de ce qu'est la vie quotidienne dans un pays où le contexte politique exacerbe toujours les choses. Je voulais aussi me débarrasser des clichés que je trimballais malgré moi. J'ai vécu dans des familles, beaucoup parlé avec des gens. Pendant le tournage, le scénario se réécrivait au fil des témoignages que je recueillais auprès des membres de l'équipe. Il était essentiel pour moi de tenter de dresser le portrait le plus juste, sans jugement. Bien entendu, cela reste un film de cinéma, mais en tant qu'étrangère, il m'importait d'abord d'afficher le plus grand respect aux gens qui nous ont accueillis.»

Un conte géopolitique

En France, un journaliste a décrit Le fils de l'autre comme un «conte géopolitique». La réalisatrice a aimé la formule. Assez pour la faire maintenant sienne.

«Dans un conte, il existe forcément une notion d'espoir, dit-elle. Sans espoir, on devient fou. Mon idée était de raconter d'abord une histoire qui part de l'intime pour ensuite s'ouvrir vers une conclusion plus large. J'ai d'ailleurs senti cette soif d'espérance dans les nouvelles générations, tant du côté israélien que palestinien. Comme tous les jeunes du monde, ils réclament le droit à l'insouciance.»

Le fils de l'autre prend l'affiche le 21 décembre.

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.