Quatorze ans après l'immense succès de Kirikou et la sorcière, le réalisateur français Michel Ocelot fait revivre son minuscule héros, qui est toujours aussi vaillant... et tout nu.

Kirikou ne devait vivre que le temps d'un film. Pourtant, Michel Ocelot l'a ramené deux fois: d'abord en 2005 dans Kirikou et les bêtes sauvages, puis cette année avec Kirikou et les hommes et les femmes, qui a dépassé le million d'entrées depuis sa sortie, en octobre.

Comme il ne pouvait pas faire de réelle suite - à la fin du premier film, Kirikou est devenu un homme et est amoureux de la sorcière Karaba-, Michel Ocelot a choisi de raconter plusieurs petites histoires mettant en scène l'enfant noir dans son village, narrées par le grand-père.

«C'est le public qui l'a demandé», dit le cinéaste au téléphone, toujours aussi surpris de voir son petit personnage lui échapper et entrer dans l'imaginaire populaire, au même titre que Tintin ou Buzz Lightyear. «Je pense que les gens aiment sa sincérité et son honnêteté. C'est ce qui les touche, parce que nous avons tous en nous cette innocence et cette générosité.»

Kirikou, c'est un peu un antidote au désenchantement, admet-il. «On ne peut pas toujours grincer des dents. On a tous besoin d'un enfant qui ne pense pas le mal et qui veut faire le bien.»

Comme Kirikou, le cinéaste est «effaré» par la méchanceté et se tient loin des journaux et des bulletins d'information. Il préfère de loin ses histoires naïves au rythme lent. «Ce monde est tellement agité, ça fait du bien de savoir que Kirikou est là et qu'il arrangera les choses...»

En effet, le petit bonhomme qui court partout trouve toujours la solution pour régler un problème, comme réparer le toit de la voisine ou calmer les bébés qui pleurent... Pour écrire ses récits, le réalisateur a demandé à des auteurs de lui suggérer des idées. Sur 50 textes, il en a retenu cinq. «J'ai besoin d'aide pour amorcer la pompe, mais après, j'écris seul. Kirikou, c'est moi et personne d'autre.»

Les contraintes sont nombreuses pour qu'une histoire entre dans l'univers Kirikou: il ne doit pas y avoir de magie, d'arme, de gadget ou de talisman, on doit rester dans le monde paysan du village, et l'action doit se régler grâce à l'astuce et à la générosité...

«On doit aussi retrouver les personnages qu'on connaît: le grincheux, la femme forte, la femme maigre, la mère, l'oncle. Mais, j'en ai introduit deux nouveaux, la griotte et l'enfant touareg.» Cette histoire avec le «monstre bleu» à la peau claire qui débarque dans le village et suscite la méfiance de tous - sauf celle de Kirikou, évidemment- est le coeur du film.

«J'aimais l'idée de parler du racisme, dit le réalisateur, qui avait déjà traité du sujet dans Azur et Asmar. Je voulais montrer comment il peut être contré naturellement dans les rapports individuels. Pour moi, ce n'est pas utopique, ça peut marcher comme ça, si on prend le temps de se connaître.»

Secondaire

Les techniques d'animation ont bien changé depuis 1998. Michel Ocelot travaille maintenant en numérique, ce qui permet de «sculpter les personnages», de les garder beaux et de créer des mouvements et des angles de vue impossibles à faire traditionnellement. «Mais ce n'est pas moins de travail. Ça n'existe pas, de l'animation sans travail.»

Il est aussi passé au 3D - une expérience qu'il avait tentée sur son précédent film, Les contes de la nuit. «C'était pour m'amuser. Cette fois, je l'ai fait surtout pour les distributeurs. Je suis content du résultat, mais ce n'est pas ce qui suscite des sentiments, ce qui fait battre notre coeur. Le film peut être vu en 2D ou en 3D. Le relief, c'est secondaire, peut-être même superflu.»

Michel Ocelot ne tient pas «à faire vrai». Il aime la légèreté, l'inventivité et la simplicité du trait d'une Marjane Satrapi (Persépolis), par exemple. Une simplicité qu'il a toujours recherchée. «Ça fait partie de l'honnêteté de ne pas en rajouter.» Même chose dans les dialogues: chaque phrase doit être justifiée. «J'aime les mots, mais ils doivent dire le nécessaire.»

Michel Ocelot planchera à compter de janvier sur un film qui se déroulera à Paris, au tournant du XXe siècle. Son objectif reste cependant de faire des films pour tous.

«Quand je vois que je rejoins toute la famille, les enfants, les parents et les grands-parents, je me dis que j'ai réussi mon coup. À mes débuts, comme je faisais de l'animation, on m'a collé l'étiquette jeunesse et j'étais très mécontent. Maintenant, il ne me viendrait pas à l'idée de faire un film seulement pour les adultes. Je continuerai à faire des histoires pour tous, tout en sachant qu'il y a des enfants dans la salle et en veillant à ne pas leur faire de mal.»

Kirikou et les hommes et les femmes prend l'affiche le 14 décembre.

Photo fournie par la production

Kirikou n'est pas grand mais il est vaillant !