Après le documentaire Elle s'appelle Sabine portant sur sa soeur autiste, Sandrine Bonnaire signe sa première fiction, J'enrage de son absence, présentée à Montréal dans le cadre de Cinemania. Un film nourri par un souvenir marquant, signale la comédienne.

En puisant dans ses propres souvenirs pour écrire ses films, Sandrine Bonnaire ne réinvente pas la roue. Et elle l'assume parfaitement!

En 2007, elle présente un documentaire sur sa soeur Sabine, atteinte d'autisme. J'enrage de son absence, sa première fiction, est inspirée de Guy, un homme que sa mère a aimé et que Mme Bonnaire a recroisé par hasard.

«Je pense qu'on a besoin de partir de choses importantes pour nous. Et je pense que je le ferai de nouveau. Le documentaire m'a donné envie de continuer, dit la comédienne rencontrée il y a quelques semaines au Festival international du film francophone de Namur. En faisant Sabine, je me suis sentie utile. J'aimais bien cette idée d'avoir encore plus de responsabilités qu'en travaillant comme actrice. J'ai pris goût à la réalisation et je me suis demandé ce que je pourrais raconter dans ce deuxième film.»

Réminiscences

J'enrage de son absence relate l'histoire de Jacques (William Hurt), un Américain qui revient en France pour enterrer son père. Il retrouve son ex-conjointe Mado (Alexandra Lamy), qui a refait sa vie et a eu un fils, Paul (Jalil Mehenni). De quoi raviver la douleur de Jacques, car Mado et lui avaient un fils qui est mort dans un accident de voiture. Faisant fi des pièges, l'homme entreprend une relation secrète père-fils avec Paul.

Le point de départ du scénario est Guy, un homme que la mère de Sandrine Bonnaire devait épouser. Le projet a avorté. La mère de Sandrine Bonnaire a épousé un autre homme avec qui elle a eu ses enfants. Des années plus tard, ils se sont revus et les enfants l'ont connu avant que les pistes se brouillent à nouveau. Devenue adulte, la comédienne a recroisé Guy, devenu clochard. Un choc.

«Je me suis souvenue de cette histoire forte. De cet homme que j'avais revu à l'âge de 20 ans. C'est un souvenir marquant pour moi et je suis partie de ça», dit la comédienne.

Le film est tout de même dédié à sa mère. «Sans elle, ce film n'existerait pas. Il n'y aurait pas eu ce Guy en question. Je lui dois ce film.»

William Hurt

Pour interpréter Jacques, la réalisatrice a fait appel à William Hurt, son ex-conjoint et père de sa fille aînée. «William a très vite compris qu'il ne pouvait pas tricher avec un rôle pareil, dit-elle. Il y a des sujets où l'on ne peut se permettre de jouer la comédie. On ne peut être dans l'artifice ou dans la performance. Le sujet est tellement universel que si on sent la moindre tricherie, on sort.»

Jacques passe une partie de son temps dans la cave de l'immeuble où vit Mado avec sa famille. Il dort à même le sol, près d'une boîte où reposent quelques jouets de son fils mort.

On a tout de suite ce sentiment que Jacques vit pratiquement dans le caveau du fils. Mme Bonnaire confirme, mais apporte un autre éclairage. «Cette cave symbolise pour moi le côté intra-utérin, dit-elle. Jacques se met dans cette cave et se recroqueville pratiquement comme un foetus. En même temps, il retrouve la lumière. Une renaissance se fait grâce à cet enfant (Paul) qui arrive dans ce trou noir.»

À terme, le film propose deux visions de la douleur et de la façon dont on l'affronte. Alors que Jacques vit sa peine à fond, Mado prend le chemin de l'oubli, une façon de survivre et d'avancer.

«C'est un point important du film, dit la comédienne. Lorsqu'on est confronté à un tel drame, que fait-on? Comment se débrouille-t-on avec son destin? Eh bien, on fait avec ce qu'on a! Autant Jacques assume sa douleur, autant Mado est dans le déni. En même temps, on n'a pas à juger.»

J'enrage de son absence sera présenté le 6 novembre, à 19h, et le lendemain, à 14h45, au cinéma Impérial.