Sonic, Q*Bert, Clyde le fantôme orange, Zangief: autant de personnages familiers à ceux qui ont «grandi» dans les arcades. Ils font des apparitions dans Wreck-It Ralph, 52e film d'animation produit dans les studios Disney où le méchant du jeu vidéo Fix-It Felix Jr. décide qu'il en a assez de tout casser depuis 30 ans... et de se casser. Quatre univers, trois jeux vidéo, deux exclus et un road-movie: que la partie commence!

D'un côté, l'approche Pixar: «Ce serait cool si...» De l'autre, la philosophie Disney: «Il était une fois...» John Lasseter, directeur artistique des deux studios d'animation, suit ces deux courants. Or, depuis plusieurs années, il pensait que «ce serait cool» si des personnages de jeux vidéo étaient parachutés dans un jeu qui n'est pas le leur. Le hic: il n'avait pas mis le doigt sur le «Il était une fois».

Il se trouve que Rich Moore, réalisateur de nombre d'épisodes des Simpsons et de Futurama, gravitait dans l'entourage de John Lasseter: il avait étudié avec Andrew Stanton, lui aussi l'un des piliers de Pixar. Le monde étant bien petit, celui de l'animation l'étant encore plus, des liens s'étaient tissés entre eux. «John m'a parlé de ce concept dont l'histoire n'avait pas encore été développée», a raconté le réalisateur lors de rencontres de presse tenues à Los Angeles.

L'idée lui a plu. Le défi aussi. D'autant qu'il rêvait depuis un moment au grand écran. «Mais quand le petit vous tient occupé, il vous tient très occupé», dit en souriant celui qui s'est allié au scénariste Phil Johnston. Ensemble, ils sont partis à la recherche d'une trame solide sur laquelle le bon flash deviendrait une bonne histoire. «Pas question de rester au niveau de l'anecdote, nous voulions creuser et arriver avec quelque chose de riche et d'universel», affirme Phil Johnston.

Ce filon plus riche et universel, ils l'ont trouvé dans le sentiment d'être mis à l'écart. Une petite fille qui ne répond pas aux «critères» en vigueur autour d'elle et vit en marge de la société. Un homme qui, depuis 30 ans, fait la même chose jour après jour et n'est apprécié ni des uns ni des autres. «Les jeux vidéo servent de toile de fond à la quête de Ralph et à celle de Vanellope; l'essentiel est ailleurs», indique Phil Johnston.

Wreck-It Ralph, donc, est l'histoire de Ralph, dont le rôle, dans un jeu vidéo genre Mario vs. Donkey Kong, est de tout démolir. Depuis 30 ans, il est le fléau de Fix-It Felix Jr., dont Felix Jr., qui répare tout, est le héros. Il vit dans le dépotoir, seul, haï de tous. Il n'en peut plus. Il participe d'ailleurs régulièrement aux réunions des Bad-Anon, groupe de méchants en pleine crise existentielle. Puis, un jour, la goutte fait déborder le vase. La brique fait déborder le dépotoir. Et Ralph décide d'aller voir ailleurs. Dans d'autres jeux. D'y jouer les héros. De rentrer chez lui avec la preuve ultime de sa bonne action: une médaille.

Il arrive ainsi dans Hero's Duty, un jeu hyperréaliste campé dans un monde futuriste, en guerre, où l'humanité est en voie d'extinction. Puis, dans Sugar Rush, un univers bonbon où des fillettes se livrent à d'époustouflantes courses automobiles... dont est exclue, une certaine Vanellope: elle serait une erreur de programmation et, comme Ralph, est mise à l'écart. Ces deux âmes esseulées vont bien sûr s'entraider.

Au sein de ces populations et de ces jeux imaginés par Rich Moore et Phil Johnston - leur adolescence passée dans les arcades a servi de base de recherche, ils ne s'en cachent pas - évoluent également des personnages familiers aux amateurs de jeux vidéo. Que l'on songe à Sonic, Q*Bert, Zangief, Bowser et bien d'autres. Pour obtenir le droit d'utiliser ces figures de proue, le tandem, accompagné du producteur Clark Spencer, est allé à la rencontre des représentants des entreprises détentrices des brevets - entre autres à la grande foire de l'électronique de divertissement E3, qui se tient annuellement à Los Angeles.

Là, ils ont expliqué à quel point chaque personnage «engagé» pour Wreck-It Ralph resterait fidèle à lui-même et combien les détenteurs de droits auraient leur mot à dire dans les étapes du développement: «Nous étions prêts à leur montrer les story-boards, les pages du script concernant "leur" personnage, à tenir compte de leurs commentaires», note Phil Johnston. «Et nous avons eu peu de refus, mais beaucoup de conseils», poursuit Clark Spencer.

Ainsi, pas de problème pour utiliser Dig Dug à condition qu'il fasse ce que doit, c'est-à-dire creuser. Quant à Pac-Man, qu'il intervienne ici et là, parfait... mais non, il ne crache pas, il ne peut qu'avaler puisque c'est ainsi qu'est sa «vraie» nature. Et ainsi de suite.

Aux yeux du producteur, la voie à autant d'ouverture a été pavée par Toy Story et Who Framed Roger Rabbit: «Ces films ont démontré combien il pouvait être intéressant de mettre en scène des jouets du passé ou de déplacer des personnages de cartoon dans des produits contemporains.» Wreck-It Ralph utilise semblable principe, se faisant road-movie éclectique, car mené à travers quatre mondes très distincts.

Wreck-It Ralph (Les mondes de Ralph) prend l'affiche le 2 novembre.

Les frais de voyage ont été payés par Walt Disney Studios.

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Fix-It Felix Jr.



Quoi et qui: parent de Super Mario, Zelda et autres Dragon Quest, Fix-It Felix Jr. est un jeu vidéo 8 bits comme on en voyait dans les années 80. À l'ancienne pour certains, vintage pour d'autres.

L'idée est simple: les gentils Nicelanders, habitants de Niceland, vivent dans un immeuble où le méchant Wreck-It Ralph, montagne de muscles aux mains démesurées mesurant près de 3 m et pesant presque 300 kilos, fait les dégâts que l'on imagine. Heureusement, Fix-It Felix Jr. est là pour réparer derrière lui. Le méchant. Le gentil. Le premier, honni. Le second, adulé. Point. Pas de demi-mesure.

Le look: rudimentaire. Les personnages et les lieux sont composés de blocs qui bougent par à-coups, à des angles de 90 degrés. L'arrière-plan est noir et l'éclairage, sommaire. Quant à la musique, elle est issue ou inspirée des années 80. Celebration de Kool and the Gang, quelqu'un?

Hero's Duty

Quoi et qui: jeu de tir en vue subjective (FPS) genre Call of Duty, Metroid Prime et Gears of War, Hero's Duty est à la fine pointe de la technologie. Ce jeu, le plus récent de l'arcade, entraîne les joueurs dans un monde futuriste où des soldats armés jusqu'aux dents et menés par le lieutenant Tamora Jean Calhoun combattent les monstrueux Cy-Bugs qui sont en voie d'anéantir l'univers. Bref, c'est un monde hostile. À des années-lumière du gentil Niceland.

Le look: les personnages sont très inspirés de ceux que l'on voit dans les comic-books, autant dans leur allure que dans leur gestuelle et leurs poses. Le monde futuriste dans lequel ils évoluent est hyperréaliste et baigne dans un éclairage sombre où les éclats de lumière jaillissent des armes à feu. La musique qui accompagne ce chaos est électronique, agressive, inquiétante. Y participent: Skrillex et Noisia.

Sugar Rush

Quoi et qui: jeu de course automobile à la manière de Mod Nation Racer ou Mario Kart, mais avec cette esthétique «chibi» familière aux amateurs de mangas, visiblement destiné aux plus jeunes des enfants qui fréquentent l'arcade, Sugar Rush s'inspire des jeux des années 90. Ses habitants, dirigés par King Candy, y fabriquent/cuisinent le véhicule qu'ils vont conduire lors de la grande course. Au sein de ce monde sucré bonbon, une exclue qui serait une erreur dans le programme: Vanellope von Schweetz.

Le look: alors que Fix-It Felix Jr. est de cubes et de couleurs primaires et Hero's Duty, de triangles acérés et de noirs, Sugar Rush est tout en courbes, pète de couleurs et flamboie de lumière... sauf dans sa partie sombre, secrète et souterraine. Pour rythmer le tout, la musique pop du groupe féminin japonais AKB48 et une certaine Rihanna.

Game Central Station

Game Central Station, c'est la croisée des chemins: inspirée de la Grand Central Station de New York, elle est le lieu où les acteurs des différents jeux vidéo peuvent se rencontrer et, s'ils le veulent, passer d'un jeu à l'autre. «Il fallait trouver comment Ralph pouvait quitter Fix-It Felix Jr. pour aller dans Hero's Duty et Sugar Rush. Toutes les idées, même les plus stupides, étaient les bienvenues. À un certain moment, nous avons pensé à un vortex dans une cuvette de toilette», se rappelle Phil Johnston qui, à l'époque, vivait à New York. Rich Moore, installé à l'extérieur de la Grosse Pomme, prenait le train chaque fois qu'ils avaient à discuter du projet, et arrivait donc à cette immense gare où se croisent des gens de tous horizons. Pourquoi pas, alors, des personnages de jeux vidéo?

S'y trouvent également les «chômeurs», ceux dont les jeux ont été débranchés, comme Q*Bert; et le local où se réunissent les «méchants anonymes» - Zangief et M. Bison de Street Fighter ; Clyde le fantôme orange de Pac-Man; Bowser, l'ennemi juré de Mario; Cyril, l'un des zombies de House of the Dead, etc.

Chimie vocale

Habitué des séries animées destinées au petit écran, Rich Moore travaille «ses» voix en groupe et non en solo. Chose qui est extrêmement inhabituelle pour les longs métrages animés, où les acteurs engagés travaillent seuls dans une cabine d'enregistrement. «Mais quand vous avez un John C. Reilly et une Sarah Silverman à votre disposition, vous voulez entendre leur complicité, leur chimie!», fait le réalisateur, qui est parvenu à réunir une distribution vocale impressionnante pour son premier long métrage.

En version originale, John C. Reilly (Talladega Nights, Walk Hard) prête donc sa voix à Ralph (devenu Ralph Lacasse en version québécoise, et s'exprimant avec la voix de l'humoriste Philippe Laprise) et Sarah Silverman (School of Rock, The Sarah Silverman Program) fait merveille en tant que Vanellope.

«Faire des voix m'a toujours semblé pénible», indique cet adepte du travail collectif qu'est John C. Reilly. Mais quand on lui a proposé une participation élargie (il a rencontré les animateurs qui allaient créer Ralph, a répondu à leurs questions, fait des suggestions) et des enregistrements en compagnie de ses complices à l'écran, «j'ai eu l'impression d'être partie prenante du projet et j'ai accepté». Même chose pour Sarah Silverman, qui prête régulièrement sa voix à des séries animées et est donc habituée aux enregistrements «groupés». «Et puis, il y avait Vanellope: si je n'avais pas oublié d'avoir des enfants, j'aurais voulu avoir une fille comme celle-là», dit-elle à la blague.

Bref, la chimie (vocale) explose à l'écran entre ces deux-là, comme elle fait mouche dans le tandem éclectique formé par Jack McBrayer (30 Rock) en souriant Fix-It Felix Jr. et Jane Lynch (Glee) en rude sergent Calhoun. Aussi de la distribution, Alan Tudick (Ice Age, Patch Adams) en King Candy (Sa Sucrerie en version québécoise, «vocalisé» par Benoît Brière).