Depuis plus de 20 ans, le réalisateur français Stan Neumann a signé de nombreux documentaires. Pour raconter la vie de l'astronome Johannes Kepler, il a toutefois décidé de se tourner vers la fiction. Un habitué du Festival international du film sur l'art (FIFA), M. Neumann est au FNC pour présenter son nouvel opus.

Q : Pourquoi ce film?

R : Comme avec tous mes autres films, je suis tombé amoureux d'une histoire, la naissance de l'astronomie moderne, et d'un personnage, Kepler. Il y a dans cette histoire une énorme rupture avec tout ce qui a précédé. Et Kepler est un des personnages au coeur de cette révolution. Il avait ce mélange à la fois révolutionnaire et archaïque. C'était quelqu'un capable de bouleverser tous les acquis de l'astronomie et de l'optique et qui, en même temps, croyait que la Terre a une âme et que les planètes chantent en choeur...

Q : Et pourquoi passer par la fiction?

R : Dans le film, la vraie question est de savoir si on voit bien [au télescope]. Qu'est-ce qu'on voit? Qu'est-ce que bien voir? Qu'est-ce que mal voir? Le documentaire ne sait pas très bien faire ça. Pour travailler le sujet, il fallait des personnages, être avec eux et voir le monde comme eux le voyaient. La fiction me permettait d'avoir cet effet Rashomon [du film de Kurosawa] où plusieurs regards contradictoires se croisent. Et je voulais que les gens fassent l'expérience de vivre dans le noir comme on le faisait en 1610.

Q : Justement, un tournage aussi nocturne est-il ardu?

R : C'était une décision initiale du film. Nous voulions retrouver cette sensation du vrai noir de 1610. Or, au départ, aucune caméra n'avait la sensibilité nécessaire pour tourner avec si peu de lumière. Heureusement, juste au moment de la production nous est arrivé un premier appareil photo capable de tourner à 24 images/secondes avec une sensibilité fabuleuse. Nous avons tout fait à la bougie et à la lampe à l'huile. Donc, sans aucun éclairage électrique.

Q : Quelles qualités le comédien Denis Lavant apporte-t-il au personnage de Kepler?

R : Ce qu'il apporte est unique. Il a à la fois quelque chose d'énergique, intense, physique, primal et une grande intelligence. Il est capable de prendre un texte de Kepler, de le comprendre et de le restituer comme s'il le pensait. Il apporte un point de vue à l'ancienne, en ce sens qu'il fabrique le personnage en dehors de lui, alors que la majorité des comédiens travaillent dans une logique d'incarnation du personnage.

Q : Pourquoi ce choix d'une trame sonore ludique et moqueuse?

R : Dans tous mes projets, j'ai eu envie de rire. Et L'oeil de l'astronome, malgré son côté sérieux, mystique et scientifique, est un film bourré de blagues. Je ne voulais surtout pas une musique historique parce que pour moi, ce n'est pas un film historique. C'est un film au présent.

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Aujourd'hui, à 15h10, au Quartier latin. Le film prend l'affiche vendredi au Beaubien.