Le visage d'Ezra Miller est celui de Kevin, garçon dérangé et dérangeant au centre de We Need to Talk About Kevin de Lynne Ramsay. Dans The Perks of Being a Wallflower de Stephen Chbosky, le jeune homme se fait extraverti et ouvertement gai. Rencontre avec un acteur de 19 ans qui a déjà défié les étiquettes.

«Entrez, entrez, installez-vous où vous voulez, faites comme chez vous.» Ezra Miller, lui, avait fait son choix et était visiblement à l'aise, couché dans le lit d'une suite d'un hôtel torontois. Il terminait une longue journée d'entrevues, pendant le Festival du film de Toronto, sur The Perks of Being a Wallflower, réalisé par Stephen Chbosky qui a lui-même adapté son roman initiatique au grand écran.

Malade? Fatigué? Pas du tout. «C'est plus fort que moi: si j'ai l'occasion de travailler couché, je la saisis», rigole le jeune acteur. Il regrette même qu'une telle chance ne se soit pas présentée souvent lors du tournage du long métrage où il tient la vedette en compagnie d'Emma Watson (oui, Hermione fait ici ses premiers grands pas hors de l'univers des Harry Potter) et de Logan Lerman (Percy Jackson&the Olympians). «On nous a fait marcher, rester debout, danser... et, dans mon cas, conduire - alors que je n'ai même pas de permis. Mais j'étais bien supervisé», insiste-t-il, toujours en riant.

Il est difficile... non, il est impossible de (re)trouver en lui le personnage douloureux et oppressant qu'il incarne dans We Need to Talk About Kevin. En fait, Ezra Miller, qui s'est décrit comme queer en entrevue avec la revue The Advocate et que la police de Pittsburgh a trouvé en possession de 20g de marijuana lors du tournage de Perks, semble avoir plus en commun avec le Patrick qu'il incarne dans ce drame doux-amer. Un personnage à des lieues des psychopathes, tueurs et violeurs qu'on lui a proposé de jouer après l'expérience de Kevin. Qu'il n'avait pas envie de revivre tout de suite.

«J'ai donc poursuivi Stephen pour obtenir le rôle», sourit le jeune homme qui a découvert le roman The Perks of Being a Wallflower lorsqu'il avait 14 ans. «Des amis insistaient pour que je le lise et ç'a été une révélation pour moi. J'ai compris que je n'étais pas la seule personne au monde à être coincée dans cette tornade pubescente.»

Bref, après avoir lu le scénario, il s'est rendu aux bureaux de l'agence new-yorkaise responsable du casting, avec une audition sur vidéo. Quelques jours plus tard, coup de téléphone. Le réalisateur voulait lui parler par Skype. Cinq heures plus tard, l'affaire était conclue. «À l'époque, Stephen n'avait pas vu We Need to Talk About Kevin et, même si je suis très fier de ce film, quand il m'a dit qu'il allait le visionner, je lui ai conseillé d'attendre, indique Ezra Miller. Je voulais qu'il me voie comme une toile vierge sur laquelle nous créerions Patrick.»

Changer de registre

Patrick, donc. Dans le Pittsburgh de 1991, il est en dernière année à l'école secondaire. Il est flamboyant, sans peur et assume entièrement son homosexualité. À ses côtés, la belle Sam (Emma Watson), sa demi-soeur, esprit libre qui a su apprivoiser ses propres démons (et il y en avait plus d'un). Ensemble, ils vont prendre Charlie (Logan Lerman) sous leur aile. Lui, fait ses premiers pas au secondaire. Avec une crainte qui n'est pas «dans la moyenne»: Charlie a un passé douloureux, marqué par la mort d'êtres proches. Or, quoi de mieux que la vie pour chasser ce spectre-là? Sam et Patrick en sont pleins. De vie.

Et Charlie découvre en leur compagnie les partys, la musique, les filles, les substances illicites, les ivresses de la jeunesse et... The Rocky Horror Picture Show - film auquel la joyeuse bande rend hommage de manière régulière dans un cinéma local. Ça tombait bien pour Ezra Miller: «Je suis le fan numéro un de Susan Sarandon et de Tim Curry, et j'ai vraiment essayé de faire honneur à ce dernier dans le film», déclare celui qui a enfilé avec délectation le corset et les porte-jarretelles du Dr Frank-N-Furter, travesti bisexuel venu directement de la planète Transexual.

Oui, on est bien loin, là encore, de Kevin. Et Ezra Miller en est heureux. Il a pu explorer ici une autre facette de son art. «Je ne sais pas ce que je veux prouver ni à qui, mais je me suis donné ce défi quand j'étais très jeune, de voir jusqu'où je pouvais me cacher dans un personnage, et dans quelle mesure je pouvais changer de registre.» Une exploration qu'il poursuit ces jours-ci puisqu'il a traversé l'Atlantique pour tourner Madame Bovary, adapté du roman de Flaubert, où il incarne Léon aux côtés de Mia Wasikowska et de Paul Giamatti, devant la caméra de Sophie Barthes. Un rôle pour lequel il lui faudra probablement travailler un peu au lit. Il ne s'en plaindra pas.

The Perks of Being a Wallflower prend l'affiche le 5 octobre.