L'an dernier, l'actrice française Agathe Bonitzer avait fait le voyage jusqu'à Rouyn-Noranda pour présenter son film Une bouteille dans la mer de Gaza. Cette semaine, elle a fait un passage éclair à Québec et Montréal pour la sortie du film À moi seule, où elle tient le rôle d'une jeune fille séquestrée par un homme plus âgé. La Presse a rencontré la jeune femme en compagnie du réalisateur Frédéric Videau.

Frédéric Videau ne s'en cache pas. L'histoire de cette fillette séquestrée pendant huit ans lui a été inspirée par le rapt de l'Autrichienne Natascha Kampusch, qui a réussi à échapper à son ravisseur en 2006.

«Je me souviens d'une entrevue à la télévision, où elle tentait d'éviter les questions des journalistes, qui voulaient savoir si elle avait couché avec son ravisseur, raconte-t-il. Elle refusait de le condamner. À moi seule, c'est de là que ça vient un peu. Le personnage de Gaëlle garde son histoire pour elle. Elle n'en révèle qu'une partie.»

Dans À moi seule, le réalisateur de Variété française fait des sauts dans le temps, nous montrant tantôt Gaëlle avec son ravisseur, Vincent. Tantôt avec sa famille, une fois libérée. La relation de la jeune fille avec cet homme s'apparente en tous points à une relation père-fille, avec des moments de rudesse, mais aussi de tendresse et d'humanité.

«Je n'ai pas cherché à rendre le personnage de Vincent aimable, se défend Frédéric Videau. Je n'ai pas essayé de le sauver. Simplement, j'ai voulu dire que cet homme, dont je ne comprends pas les motivations, avait un but: élever un enfant. Leur histoire, à plein d'égards, est normale. Il est le père par moments coercitif, en colère, démuni, tendre, coupable. Et elle est l'enfant, puis l'adolescente, rebelle, injuste, insupportable.»

«Pourquoi il a fait ça, c'est la moins intéressante des questions, poursuit le cinéaste. Je ne suis ni policier ni médecin ni juge. Un animateur m'a dit un jour: "Le film m'a tellement pris, que j'espérais qu'ils restent ensemble à la fin..."»

Une impression qu'on ressent effectivement, d'autant plus que son retour à la maison prend la forme d'une autre captivité.

«Dans les scènes avec Vincent, on a rajouté de la chaleur. Pas pour dire que c'était mieux en prison, mais que malgré tout, elle en a fait son cocon, elle avait ses repères, son espace, elle savait comment dealer avec Vincent. Elle n'avait que lui dans sa vie.»

Agathe Bonitzer, elle, ne s'est pas nourrie de l'histoire de Natascha Kampusch pour créer son personnage.

«Frédéric m'a laissé le choix, mais il m'a conseillé de ne pas trop me renseigner pour pas trop m'influencer. Ce n'est pas un biopic. De toute façon, le scénario était tellement bien écrit, bien fait, complet, c'était suffisant. Je n'avais qu'à apprendre les scènes et à les jouer en m'inspirant de mes propres émotions.»

Interprétation

Il reste que le jeu de la jeune actrice de 23 ans est fin et passe beaucoup par son langage non verbal.

«C'est ce que j'ai le plus aimé dans ce film, dit-elle. Un regard, un geste, un battement de cil. Plus le sentiment qui doit être véhiculé est ténu, plus l'émotion est fine, plus ça m'intéresse.»

La jeune comédienne, dont les parents sont tous les deux réalisateurs (Pascal Bonitzer et Sophie Fillières), a déjà une quinzaine de films à son actif. Dont Bus Palladium avec Marc-André Grondin. Son premier rôle parlant, elle l'a interprété à l'âge de 13 ans.

«C'est après cette première expérience que j'ai su que je voulais devenir comédienne, dit Agathe Bonitzer. Mais ça ne fait que trois ans que je fais du cinéma à temps plein, même si je poursuis des études en littérature à la Sorbonne.»

Les projets de films de la comédienne ne manquent pas. Elle a tourné avec Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri dans Au bout du compte, qui sortira en France au mois de mars prochain. Elle a aussi donné la réplique à Isabelle Huppert dans La religieuse de Guillaume Nicloux, qui sortira également en 2013. Elle tournera de nouveau avec Frédéric Videau une comédie musicale baptisée Parle à mon cul.

«C'est une histoire d'amour entre une jeune étudiante et un homme plus vieux, qui a déjà une vie, qui a une fille aussi, précise Frédéric Videau. C'est une relation qui ne devrait pas dépasser une nuit d'amour. Et pourtant, dès l'instant où ils se rencontrent, ils savent qu'ils vivent quelque chose d'important.»