Le troisième long métrage de la réalisatrice canadienne Ruba Nadda, Inescapable, ne peut être plus actuel. Se déroulant en Syrie, le pays d'origine de ses parents, il évoque la dictature des al-Assad, père et fils, à travers une histoire d'enlèvement d'une photojournaliste canadienne.

Quand la bande-annonce d'Inescapable est sortie il y a un mois, Ruba Nadda (Cairo Time, Sabah) a reçu des messages de haine, incluant des menaces de mort.

«Je n'avais jamais lu un langage aussi parlant», dit la réalisatrice née à Lachine en 1972. «J'étais terrifiée de lire ce qu'on me promettait de faire à mon corps. Ça venait de partisans du régime syrien.»

Ayant vécu en Syrie dans sa jeunesse, Ruba Nadda se considère chanceuse de vivre au Canada. «Si on était restés à Damas, ma vie aurait été complètement différente, dit-elle. À 12 ans, j'avais été promise à mon cousin.»

L'idée d'Inescapable lui est venue quand elle était petite. Son père avait doté son surnom du prénom de sa fille, alors que cet usage dans la culture arabe est réservé aux fils. Elle en avait tiré une grande fierté et avait placé son père sur le piédestal des esprits libres.

«Je m'étais dit "quelle belle idée de film!"», dit Ruba Nadda, fascinée par les histoires universelles qui créent des ponts entre les communautés.

Les racines et l'amour filial

Tourné à Johannesburg avec un budget limité, Inescapable est donc un film sur les racines et l'amour filial. C'est aussi un thriller, l'histoire d'un ex-agent secret syrien, Adib, réfugié au Canada depuis 25 ans et qui doit retourner à Damas pour y rechercher sa fille, une photojournaliste disparue quelques mois avant le Printemps arabe.

Le Britannique Alexander Siddig (Cairo Time, Miral) joue le rôle du père aux côtés de Marisa Tomei (The Ides of March), son ex-fiancée syrienne, et de Joshua Jackson (Fringe), l'ambassadeur canadien. D'origine soudanaise, Alexander Siddig dresse le portrait d'un Arabe moderne et épris d'humanité.

«Je voulais montrer les différentes facettes de ce que peut être un Arabe, dit Ruba Nadda. Et qu'il est possible qu'un Arabe élève sa fille pour en faire une femme indépendante.»

Un État policier

Inescapable est une critique sans réserve de la dictature de Bashar al-Assad, qui a poursuivi, dès 2000, le régime de terreur qu'avait instauré son père Hafez en 1970, dit la réalisatrice. «Quand j'étais petite, des gens disparaissaient du jour au lendemain à Damas. C'était et c'est resté un État policier, bureaucratique, avec un président qui écrase toute résistance.»

Dans son film, un policier syrien lance une phrase terriblement menaçante à Adib: «Vous pensez que vous et votre famille êtes vraiment en sécurité au Canada?», une phrase qui trotte souvent dans la tête de Ruba Nadda, qui préfère rester en Amérique du Nord et ne pas aller au Proche-Orient.

«On me reproche surtout que mes histoires sont racontées par une femme arabe musulmane», dit-elle.

Soutenue par le cinéaste Atom Egoyan, Ruba Nadda commence à se faire un nom dans le monde du cinéma. Son film Cairo Time a remporté le prix du meilleur film canadien à Toronto, en 2009, et a été distribué dans plus de 180 pays. Elle espère que celui-ci connaîtra le même sort.

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Inescapable prend l'affiche (en anglais) aujourd'hui.