Une histoire de lutte et de résilience. Une histoire à la David contre Goliath. Une histoire où l'amour d'une femme forte et déterminée pour l'homme en lequel elle croit a ébranlé un processus judiciaire émaillé de failles. Et surtout, une histoire vraie. Rencontre avec les principaux artisans de L'affaire Dumont.

Michel Dumont n'en menait pas large lorsqu'il a rencontré Solange Tremblay. Condamné en première instance pour agression sexuelle sur une femme, Dumont attendait l'audition de sa requête en appel tout en clamant son innocence.

Mais Dumont n'était pas l'être le plus doué pour se défendre. Trop doux, trop bonasse, trop confiant en son avocat, il s'est retrouvé figé devant un système judiciaire aussi monstrueux que menaçant.

Cette rencontre avec Solange a fait basculer, dans le bon sens, l'univers de Dumont. D'abord parce qu'entre eux, le courant a passé. Et parce que Solange, croyant en Michel, allait se battre pour que justice soit faite. Au bout de 11 ans, elle a eu gain de cause.

«Lorsque je les ai rencontrés la première fois, je me suis rendu compte à quel point, au-delà de l'erreur judiciaire, j'avais affaire à une grande histoire d'amour», raconte la comédienne Geneviève Brouillette, qui a été la première à approcher le couple pour faire un film de son histoire. La comédienne en a parlé au réalisateur Daniel Grou (Podz), qui a convaincu la productrice Nicole Robert (GO Films) d'embarquer. Danielle Dansereau (Le négociateur, 19-2) a écrit le scénario.

«Pour moi, cette histoire était kafkaïenne, dit cette dernière. Michel s'est retrouvé dans un engrenage infernal et ce que Solange a fait est assez extraordinaire. Oui, c'est un film d'amour parce qu'on y retrouve quelqu'un qui a décidé de croire en la vérité d'un autre.»

Interprète de Solange, son tout premier rôle dans un long métrage, Marilyn Castonguay a été séduite par le personnage. «J'ai aimé sa drive, sa force, son milieu, dit-elle. J'ai demandé à Solange si elle avait déjà eu un doute et sa réponse a été non, jamais! Elle savait d'instinct que Michel n'avait rien fait. Solange se voyait comme une femme exceptionnelle dans les yeux de Michel. Il prenait soin d'elle. Il était fin avec elle. Il lui apportait une vie de famille comme elle n'en avait jamais vécu. Personne n'allait lui enlever cela!»

Dérapages judiciaires

Interprète de Michel Dumont, Marc-André Grondin avait hâte au jour où il pourrait tourner avec Podz. «Sur la liste de réalisateurs avec qui j'avais envie de travailler, il arrivait en première place», dit-il. Or, la lecture du scénario lui a donné le vertige. «Podz réussit toujours à aller chercher quelque chose d'exceptionnel chez les acteurs qu'il dirige, dit Grondin. Je ne voulais pas être l'exception et me casser la gueule.»

Le personnage de Dumont lui offrait un exceptionnel rôle de composition. «La personne de Michel a beaucoup influencé l'histoire, dit Grondin. C'est une victime. Il a l'attitude d'une victime. Sa façon d'être, de parler, de réagir à ce qui lui arrive a préparé l'arrivée de Solange. Donc, on a trouvé important de coller à lui.»

Si le personnage de Solange défend les thèmes de l'amour et du combat dans le film, Dumont représente celui de la victime de dérapages judiciaires. Là-dessus, Marc-André Grondin dit: «J'ai beaucoup lu d'histoires judiciaires et c'est là que tu te rends compte que la justice est importante, mais aussi que le système judiciaire peut avoir des failles. Parce qu'on est humains. Et je pense qu'un pdg de compagnie a les moyens de se défendre, alors qu'un père monoparental, livreur dans un dépanneur peut éprouver beaucoup plus de difficulté.»

Podz a quant à lui éprouvé beaucoup de colère durant le tournage. «L'affaire Dumont est un film qui a foi, qui croit en l'amour. Mais c'est aussi un film qui dénonce un système qui protège l'incompétence, dit-il avec philosophie. Je ne veux pas blâmer personne, mais il y a à mon avis des jobs qu'on ne peut mal faire. Lorsque tu es médecin, policier, des choses comme ça, tu ne peux pas vraiment te tromper. Tu as droit à l'erreur, mais moins.»

Pour Nicole Robert aussi, L'affaire Dumont est une belle histoire d'amour. «Les gens me demandent souvent s'ils sont encore ensemble. Bien oui!», lance-t-elle, enjouée.

Mardi soir, d'ailleurs, ils seront présents pour la première, au cinéma Impérial. Mais pour dire la vérité, ils ont déjà vu le film. «Avec Podz et Danielle Dansereau, on leur a fait une projection dans une petite salle privée, glisse Geneviève Brouillette. J'étais assise derrière eux et je passais les kleenex. Ils ont pleuré tout le long.»

Ils ne seront pas les seuls.

LES FAITS

› Arrêté en décembre 1990 et inculpé de quatre chefs d'accusation, dont celui d'agression sexuelle armée, Michel Dumont est reconnu coupable le 25 juin 1991 et condamné à 52 mois de prison.

› Durant les procédures de requête pour faire porter la cause en appel, alors qu'il est en libérté conditionnelle, il rencontre Solange Tremblay.

› Le 23 juin 1992, la plaignante, Danielle Lechasseur, se ravise et signe une déclaration solennelle affirmant s'être trompée quant à l'identité de son agresseur.

› Dumont perd tout de même sa requête en appel en 1994 et est emprisonné à Cowansville. Il purgera 34 mois de pénitencier, les deux tiers de sa peine, et sera libéré le 23 mai 1997. Se clamant toujours innocent, il refusera toutes les thérapies pour agresseurs sexuels.

› En février 2001, à la suite des nombreuses démarches de Solange Tremblay, Dumont est acquitté par la Cour d'appel du Québec. Il obtient un dédommagement de la Ville de Boisbriand. Mais ses démarches pour obtenir une compensation de l'État, appuyées par le Comité des droits de l'homme de l'ONU sont, à ce jour, demeurées vaines, car le Canada demande à toutes les victimes d'erreur judiciaire de faire la preuve de leur innocence «factuelle».

L'affaire Dumont prend l'affiche le 14 septembre.