Cinq ans après Deux jours à Paris, Julie Delpy a décidé d'en faire une suite en inversant les rôles. Cette fois, c'est la famille française un peu dingue qui rapplique à New York pour faire connaissance avec le nouvel amoureux de Marion, campé par Chris Rock...

Julie Delpy vit aux États-Unis depuis plus de 20 ans. Révélée à l'adolescence grâce à Godard (Détective), Carax (Mauvais sang) et Tavernier (La passion Béatrice), vedette ensuite de Trois couleurs: blanc (Krzysztof Kieslowski) alors même qu'elle poursuivait ses études à la Tisch School of the Arts de la New York University, l'actrice, aussi scénariste et cinéaste, est parvenue à se construire une vibrante carrière américaine en marge du système hollywoodien.

«Hollywood est encore un milieu très dur pour les réalisatrices, affirme-t-elle d'emblée au cours d'un entretien téléphonique tenu plus tôt cette semaine. D'ailleurs, il y en a très peu. Elles ont souvent beaucoup de mal à monter leurs films. Les bonzes de l'industrie ont encore le sentiment qu'une femme est trop tributaire de ses états d'âme et qu'elle ne peut diriger de façon rationnelle de grandes productions. En revanche, je vois ce qui se passe en France et je constate qu'aujourd'hui, les réalisatrices sont beaucoup plus nombreuses qu'avant. Peut-être parce qu'il y a moins d'argent en jeu là-bas. Mais le fait est que la situation a beaucoup changé. Pour le mieux.

«Dans les années 80, poursuit-elle, j'étais déjà animée d'un désir d'écriture et de réalisation. J'avais d'ailleurs écrit à l'âge de 15 ans un scénario que bien des gens trouvaient formidable. Mais on m'a vite fait comprendre que rien de tout cela n'était envisageable pour moi. Ma jeunesse faisait très peur!»

Vingt-cinq ans plus tard, Julie Delpy se consacre essentiellement à l'écriture et à la réalisation. Mais elle ne lève évidemment pas le nez sur un beau rôle si celui-ci se présente au détour. Ni pour s'en écrire un, du reste. Elle a d'ailleurs joué dans les cinq films qu'elle a réalisés jusqu'à maintenant. Dans sa comédie 2 Days in New York, elle reprend le personnage de Marion, photographe dont nous avions fait la connaissance il y a cinq ans dans 2 Days in Paris. Jouant toujours sur les contrastes entre deux cultures qu'elle connaît bien, l'auteure, cinéaste et interprète a cette fois inversé les rôles. Plutôt que d'aller rendre visite à sa famille à Paris en compagnie de son amoureux américain, Marion voit cette fois débarquer sa famille parisienne chez elle, à New York, où elle vit avec un nouvel amoureux.

«J'avais envie de revisiter ces personnages, mais il m'importait de changer la situation et l'amoureux, explique-t-elle. Je ne souhaitais pas faire un diptyque à proprement parler, en tout cas pas de la même façon que nous l'avions fait avec Ethan [Hawke] et Richard [Linklater] pour Before Sunrise et Before Sunset. Par respect pour eux, je ne voulais pas que le spectateur fasse immédiatement un lien avec ces deux films-là.»

Chris Rock en straight man!

Ainsi, Marion a un nouvel homme dans sa vie. Adam Goldberg a en effet cédé la place à... Chris Rock! L'humoriste, réputé pour son approche cinglante, joue ici le straight man dans cette famille un peu dingue.

«Chris ayant été le premier acteur à qui j'ai pensé, j'ai contacté son agent et tout s'est ensuite fait de façon très simple, raconte Julie Delpy. J'ai expliqué le sujet du film à Chris au cours d'une conversation et l'idée lui a plu, d'autant qu'il avait déjà bien aimé 2 Days in Paris. J'ai ensuite pu écrire le scénario en fonction de lui. Chris a particulièrement apprécié le fait que son personnage soit le plus «raisonnable» de la bande, alors qu'on s'attend au contraire. Il aimait aussi le fait que la mixité du couple ne soit pas du tout un enjeu dans l'histoire. Dans le cinéma américain, c'est beaucoup plus rare.»

Il faut dire que les trois personnages venus de France ne donnent pas leur place. La soeur délurée (Alexia Landeau), le petit ami de cette dernière (Alexandre Nahon), dont la présence n'était pas prévue, sans oublier le patriarche délinquant, veuf depuis peu. Soulignons ici que les vrais parents de Julie Delpy, Marie Pillet et Albert Delpy, ont tenu le même rôle dans 2 Days in Paris, la fiction de leur fille. Marie Pillet a toutefois quitté ce monde il y a trois ans.

«Mes parents étaient des originaux, dit la réalisatrice. J'ai toujours eu un rapport très amical avec eux, davantage que des rapports parent-enfant. Pour 2 Days in New York, j'ai pu faire complètement abstraction de notre lien familial, tant sur le plan de l'écriture qu'au moment de la réalisation. Et puis, mon père est un acteur formidable qui a tout joué, tant les grands classiques que du théâtre de création.»

Voulant éviter les clichés de part et d'autre, tout en colorant les différences, Julie Delpy estime que l'image que les Américains se font des Français ne correspond pas tout à fait à la réalité. Et vice versa.

«Le vrai cliché, c'est cette notion du chic à la française, dit-elle. On croit que tous les Français sont très précieux, très sophistiqués. Or, même ceux qui font partie de la bourgeoisie ne le sont pas forcément. Ni même polis!»

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