Maèva Tremblay et Éléonore Loiselle: trois femmes et un deuil

Pour leur première expérience dans un long métrage de fiction, Dérive, les jeunes comédiennes Maèva Tremblay et Éléonore Loiselle ont été immergées dans un drame familial éprouvant. Or, toutes deux évoquent l'expérience avec un sain recul et un regard percutant.

Avec Dérive, leur premier long métrage de fiction, le réalisateur David Uloth et la scénariste Chloé Cinq-Mars, un couple dans la vie comme au travail, n'ont pas choisi le sujet le plus léger.

Car en dépit de ses odeurs de sel, de mer, de rivages et de voyage, Dérive est un film dur et troublant sur une famille qui, éprouvée par un deuil, est au bord du naufrage.

Mais c'est un film traitant aussi de résilience et de solidarité, assurent Maèva Tremblay, 14 ans, et Éléonore Loiselle, 18 ans. Les deux comédiennes interprètent les personnages de Marine et d'Océane, deux enfants dont les vies tordues se conjuguent à celle de leur mère Catherine (Mélissa Désormeaux-Poulin), incapable de se relever de la mort de son conjoint, André (Réal Bossé).

« Ce sont trois femmes très fortes qui vivent chacune, de façon hyper différente, le décès d'André, avance Maèva en entrevue. Mon personnage s'ennuie de son père et veut tout le temps le retrouver. Elle est incapable de penser à autre chose. »

Éléonore, heureuse de revoir sa partenaire de jeu pour cette entrevue, précise que l'histoire se déroule un an après la mort d'André, que les blessures ne se cicatrisent pas, mais qu'un espoir se dessine à l'horizon.

« Même si Marine, Océane et Catherine vivent leur deuil chacune de leur côté, il se crée une vraie solidarité féminine entre elles. Il y a beaucoup d'espoir. J'ai entendu dire que le film est triste. Pour moi, c'est un film touchant. »

- Maèva Tremblay

Scènes dures

On imagine le genre de lame de fond pouvant être soulevée par un drame tel que celui-ci. Les conséquences peuvent être cataclysmiques. Elles le sont ! L'histoire nous pousse même dans des zones inconfortables. Alors qu'à l'école, Marine est intimidée et battue par Amélie (Émilie Bierre), Océane s'abandonne dans les bras de Félix (Emmanuel Schwartz), un homme beaucoup plus vieux qu'elle et qui la viole.

« Emmanuel a été respectueux et courageux, souligne Éléonore Loiselle, en revenant sur cette scène. C'est beaucoup plus difficile de jouer l'agresseur que la victime, mais j'ai tout de suite été en confiance avec lui. Et je voulais montrer la réalité de tels moments lorsque ça arrive à des jeunes filles. »

Connue pour avoir elle-même été intimidée dans la vraie vie, Émilie Bierre a été d'une attention de tous les instants avec Maèva Tremblay, assure de son côté cette dernière.

« Émilie voulait constamment me mettre en confiance. Elle se sentait un peu mal de faire ces scènes, dit Maèva. Mais elle voulait me montrer qu'un agresseur a toujours un côté triste. Quand tu intimides, c'est parce que tu as un secret caché. »

On note au passage que les personnages des deux soeurs ont des caractères différents. Marine est très timide alors qu'Océane est volontaire. Marine intériorise son drame, allant, dans une scène mémorable, jusqu'à ériger un autel à la mémoire du père, alors qu'Océane cherche la fuite dans les bras de cet homme, un succédané d'André.

S'il y a un point de rassemblement entre elles, il se situe dans leur quête d'indépendance, leur façon de se démarquer.

« Marine est originale dans sa façon de penser et de s'habiller de couleurs flamboyantes, défend Maèva. À l'école, elle porte toujours son gilet de pluie d'un jaune très voyant. »

Quant à Océane, elle prend la maisonnée en main face à sa mère tétanisée. « Elle représente bien l'adolescente d'aujourd'hui, dit Éléonore. Elle veut être très grande tout de suite. Elle veut tout apprendre sur la vie sans attendre. »

Dans ce contexte, que l'un et l'autre des trois principaux personnages se donnent du « capitaine » pour s'interpeller ne surprend pas. « Elles dirigent leur vie, chacune sur leur bateau, analyse Éléonore. Mais elles finissent sur le même navire. »