Francis Bordeleau n'a pas tenté d'obtenir des subventions pour réaliser son premier long métrage, Wolfe. Un film qui ne devrait pas passer inaperçu, par sa forme, ses propos et sa distribution, qui comprend entre autres Ludivine Reding, Antoine Pilon, Catherine Brunet et Mariloup Wolfe.

Il y a un peu de Xavier Dolan dans la démarche de Francis Bordeleau, jeune réalisateur aussi convaincant que passionné. Il n'avait en poche que deux courts métrages lorsqu'il a décidé de réaliser son premier long métrage.

«J'ai écrit Wolfe en quatre jours. Ce n'est pas un beau mot, mais c'était un vomi. Je n'ai pas trop réfléchi à ce que j'écrivais.»

Il a envoyé le scénario à ses amies Ludivine Reding et Catherine Brunet, qui ont accepté d'emblée les premiers rôles féminins. D'autres amis et connaissances se sont rapidement ajoutés au projet, par amitié et par amour pour le scénario, dont Antoine Pilon, Léa Roy, Godefroy Reding, Manuel Tadros et Julianne Côté.

Léger détail, il n'y avait pas encore de financement.

«Quand tu connais Francis, tu sais qu'il peut avoir tout ce qu'il veut. Je savais qu'il trouverait le financement», assure la comédienne Ludivine Reding.

Le jeune réalisateur n'a pas demandé de subventions gouvernementales; il s'est tourné sans hésiter vers le financement privé. Il a cogné à la porte d'amis et d'amis de ses amis: «Ce n'est pas des gens qui sont là pour faire de l'argent. Ils nous trouvaient drôles ou un peu tatas et ils se disaient: "Ben tiens, pourquoi pas?"», dit Francis Bordeleau, qui préfère ne pas révéler la somme récoltée.

Francis Bordeleau se souvient que trois semaines avant le début du tournage, qui n'a duré que 12 jours, il n'avait pas de caméra: «C'est vraiment arrivé étape par étape.»

«Je pense que Xavier [Dolan] a inspiré beaucoup, beaucoup de gens, explique Catherine Brunet. Moi la première. Je l'ai tellement vu prendre un risque pour son premier film. Il n'avait plus d'argent, parce qu'il y avait tout investi. Pendant J'ai tué ma mère, il me disait: "Si ça ne marche pas, je veux mourir. C'est tout ce que j'aime, c'est tout ce que je veux faire."»

Antoine Pilon acquiesce: «Il y a du Xavier Dolan dans leur manière de créer. C'est le créatif qui n'attend pas après les institutions.»

Il poursuit: «Pour Wolfe, ce qui est fou, c'est que nous avions des pinottes. C'est vrai que ça coûte cher le cinéma, mais il faut dire que - dans le milieu - ce n'est pas mal vu de faire appel à la charité d'autrui.»

«Nous sommes assez chanceux d'être entourés de gens de plusieurs corps de métier qui sont super willing d'aider gratuitement en donnant de leur temps et de leur matériel», explique le comédien Antoine Pilon.

L'acteur de Demain des hommes, Nouvelle adresse et Le chalet spécifie tout de même que les artistes ne peuvent pas toujours travailler gratuitement: «Mais les jeunes créateurs, il faut les aider le plus possible, sinon ils n'en feront pas, de films.»

Des autodidactes

C'est un peu l'effet de groupe qui pousse cette bande d'amis à prendre des risques, explique Catherine Brunet, qui pratique ce métier depuis plus de 20 ans.

«Nous sommes des autodidactes pour la plupart: Xavier, Francis, mes amis comédiens. Toute ma gang, on essaie de créer: on écrit, on réalise, on tente des trucs. C'est le fait que nous soyons ensemble qui nous donne le courage de le faire», indique la comédienne Catherine Brunet.

Ludivine Reding n'était pas connue du public lorsqu'elle a tourné Wolfe, en février 2017, soit près d'un an avant le succès de Fugueuse. Le jour de la première médiatique, elle était touchée de voir l'aboutissement de ce long métrage conçu par son groupe d'amis.

«Nous sommes tous passionnés par ce métier. Et être connue? Bof. Je le dis souvent, je m'en foutais d'être connue. Par contre, être reconnue? Wow, c'est ça qui est beau. Moi, je voulais être reconnue pour ce que je fais, en touchant les gens», dit l'actrice.

Le passage à l'âge adulte

Wolfe s'intéresse au passage de l'adolescence à l'âge adulte. Et même si un des personnages met fin à ses jours, les artisans rencontrés sont unanimes: «Ce n'est pas un film sur le suicide.»

«Après le secondaire, on te demande de devenir adulte tellement rapidement. Et souvent, dans ta tête, tu penses que tu l'es. Puis, lorsqu'une situation arrive, tu réalises que tu as besoin de ton entourage et que tu es peut-être plus jeune que ce que tu penses. Je pense que c'est vraiment ça, le thème principal du film», dit Ludivine Reding, dont le frère Godefroy Reding joue un des rôles principaux.

D'après le réalisateur, les acteurs ont investi beaucoup d'eux-mêmes dans leurs personnages, ce que confirme Catherine Brunet, qui incarne le personnage aux idées suicidaires, Andy.

«Sa personnalité, c'est quelque chose qui est en dedans de moi. Elle a une rage, un trop-plein de fake, de méchanceté du monde... À un moment, elle dit: "J'ai beau me soûler, baiser et faire le party, je ne me sors pas de ma tête."»

«Je trouve qu'il y a quelque chose de très réel dans ce désir de s'étourdir avec les réseaux sociaux, l'alcool, la drogue, le fake, le glam... Pis en fin de compte, tout ça ne sert à rien. Quand tu te sens toute seule, tu es toute seule. Moi, c'est plus ça que j'ai vu dans le film: un cri à l'aide et une dénonciation de tout ça.»

Pour les 15-35

Le réalisateur a écrit cette histoire pour un public de 15 à 35 ans. Diffusé par le réseau TVA, qui est arrivé dans le projet après le tournage, Wolfe devrait être présenté dans une dizaine de salles du Québec.

D'après Antoine Pilon, une des vedettes chouchous des jeunes, ce film va «pogner». «C'est un film par des jeunes pour des jeunes... et on s'entend que des fois, ça paraît quand ce n'est pas le cas. C'est un poème rock'n'roll qui fait du bien. Avec une fin tellement belle», conclut-il.

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Wolfe prend l'affiche le 26 octobre.

Photo Bernard Brault, La Presse

Francis Bordeleau