Bien avant de devenir 9 - Le film, le texte de Stéphane E. Roy a été une pièce de théâtre qui a eu droit à une lecture publique avant d'être montée à Mont Saint-Hilaire, il y a une dizaine d'années, puis un livre publié par Michel Brûlé. Pourtant, au départ, Roy avait conçu ces neuf sketches sur le thème de l'incommunicabilité comme autant de petits films qu'il aurait tournés et mis en ligne s'il en avait eu les moyens, nous dit son ami Claude Brie, qui l'a incité à transposer son livre au grand écran.

Quand, il y a un peu plus de cinq ans, Roy a soumis son projet de film aux producteurs Luc Châtelain et Stéphanie Pages, de la boîte Écho Média, il avait déjà convaincu Brie, Ricardo Trogi et Jean-Philippe Duval d'en réaliser un tableau. Des metteurs en scène intéressés, dont Léa Pool, Sophie Lorain et Simon-Olivier Fecteau, ont dû se désister en cours de route parce qu'ils étaient retenus qui au cinéma, qui à la télé, mais le recrutement n'a pas été difficile pour ce film au budget somme toute modeste d'environ 1,2 million.

Au départ, chacun des réalisateurs a obtenu l'assurance qu'il pourrait s'entourer des comédiens et de l'équipe de son choix. Plus encore, on leur a accordé l'entière liberté d'adapter le texte d'origine à leur guise. Ainsi, Duval a choisi de situer Hystérie vers la fin des années 60 plutôt que dans le Québec actuel.

Par contre, chacun devait tourner son film en une petite journée. La plupart ont respecté cette contrainte, et le tournage a duré 14 jours, y compris les scènes de la conférence sur la «communic-action» ajoutées au texte d'origine pour présenter les personnages et faire les liens entre les différents tableaux. En plus de réaliser le dernier court métrage, Éric Tessier a eu le mandat de tourner les enchaînements et de s'assurer que l'ensemble de ces scènes ferait un tout cohérent.

«Il n'y a pas beaucoup de films comme ça au Québec, à part Cosmos et Montréal vu par... C'est un snapshot [instantané] de ce qu'il y a dans l'air du temps.»

Éric Tessier avait sur papier 15 agencements différents des tableaux et 5 d'entre eux ont été testés. C'est lui qui devait dire à un réalisateur que son film était un peu trop long ou qu'il fallait en couper un bout qui était redondant avec ce qu'on verrait ailleurs dans l'oeuvre collective.

«Moi, ça ne me dérange pas, a dit Ricardo Trogi. À partir du moment où je sais dès le début que je fais partie d'un truc de gang, c'est pas le temps de dire "non, non, ne touchez pas à mon oeuvre". L'oeuvre va être entière quand elle va être faite au complet.»

La solidarité des cinéastes

Chacun des cinéastes semble y avoir pris beaucoup de plaisir. Micheline Lanctôt a adoré plonger dans la comédie caustique, un genre pour lequel on ne la sollicite pas même si elle vient du dessin animé. Jean-Philippe Duval, qui l'a dirigée dans Unité 9, a aimé pouvoir «flyer», lui qui donne souvent dans les trucs plus réalistes.

«Les spectateurs auront la chance de voir neuf réalisateurs, c'est le fun parce que ça dit aussi la solidarité, ajoute Duval. Il y a des problèmes de communication dans nos vies - c'est le sujet du film - mais dans l'industrie, on se tient aussi. J'aime ça travailler avec [Érik] Canuel, qui est complètement différent de moi. On a chacun notre signature, mais on a été bien encadrés.»

«Quand j'ai lu la pièce, j'ai hésité à tourner la scène qu'a finalement faite Marc Labrèche, a confié Claude Brie. Heureusement parce qu'il a fait quelque chose d'admirable comparativement à ce que j'avais vu.»

Labrèche, qui a été recruté à la toute fin parce qu'un autre réalisateur n'était plus disponible, a sauté sur l'occasion de goûter à la réalisation au cinéma. Il ne tenait pas à jouer dans son segment, mais il n'a pas eu vraiment le choix.

«Si j'avais eu le temps de travailler avec quelqu'un d'autre, je ne me serais pas nécessairement donné le rôle, mais là, il fallait faire vite.»

Stéphane E. Roy a coscénarisé chacun des segments de 9 - Le film avec les autres cinéastes. «Ça me faisait triper de voir ce qu'ils faisaient avec mon texte parce que c'étaient tous des réalisateurs que j'aimais, donc c'était carte blanche. Canuel l'a fait super glauque alors que nous autres, au théâtre, on le faisait plus comique.»

Mais ce dont Roy est le plus fier, c'est la qualité de ses dialogues qu'ont vantée les autres cinéastes.

«Moi, j'aime les dialogues. J'ai vu Éric Rohmer à 14 ans, ça parlait, c'était verbeux, le monde s'ennuyait, mais moi, j'ai fait ‟wow! ils se disent des choses". Dans Woody Allen également. Au Québec, il y a beaucoup de cinéma de l'image, du silence, du malaise, du grand vide, mais pas tellement de cinéma de dialogues.»

9 - Le film prend l'affiche le 9 septembre.