Acclamée par la critique lorsqu'elle fut créée sur les planches du théâtre Prospero en 2005, King Dave, pièce écrite et interprétée par Alexandre Goyette, passe au grand écran devant la lentille de Podz. Le plan-séquence de 95 minutes sera présenté en ouverture du festival Fantasia le 14 juillet. Retour sur la genèse d'un pari aussi excitant que risqué pour le cinéaste et son équipe.

Sonné par la performance d'Alexandre Goyette sur scène, Podz n'a plus qu'une idée en tête quand ce dernier lui fait part de son désir d'adapter son oeuvre au cinéma, il y a sept ans : réaliser un plan-séquence qui suivrait le flux incessant de pensées du personnage de David Morin, ce jeune frondeur dont le destin va déraper après qu'il a volé des radios d'auto pour le compte d'un gang de rue.

« Il faisait tous les personnages et je trouvais que ce souffle-là serait intéressant à l'écran. Il prend des décisions de douchebag, mais il le sait et se justifie à la caméra. J'aimais le double discours à l'écran », lance Podz en entrevue avec La Presse pour expliquer l'utilisation d'un seul long plan-séquence. Un style cinématographique utilisé pour donner un effet « en temps réel » comme dans Victoria de Sebastian Schipper ou encore mettre en valeur un seul et même lieu comme c'est le cas dans L'arche russe d'Alexandre Sokourov.

« Dans King Dave, le personnage principal s'adresse directement à la caméra et il y a de nombreux flash-back. On voyage à la fois dans le temps et dans l'espace », précise le réalisateur qui a ainsi dû relever tout un défi technique. « Les gens me disaient tout le temps que c'était fou comme idée ! Il y a eu des moments où je me suis dit que je n'allais pas y arriver. Pendant le tournage, j'étais angoissé. Je rêvais que j'étais en entrevue comme aujourd'hui et que les gens haïssaient le film ! », confie-t-il.

« J'étais sûr que tous mes choix allaient être critiqués. J'ai eu beaucoup de soirées très sombres. Mais il fallait aller au bout de ça. »

- Podz

Soucieux de mener à bien son plan-séquence, Podz pense et calcule à la seconde près le parcours du personnage interprété par Alexandre Goyette. « Il n'y a pas de quatrième mur, mais les spectateurs doivent être tout de même happés par l'histoire. Le vrai défi technique a été de s'arranger pour que tout ait l'air monté et qu'on fasse des ellipses entre les scènes sans que le spectateur soit conscient du plan-séquence », précise le réalisateur.

BALLET TECHNIQUE

S'il aurait aimé pouvoir répéter pendant deux mois la chorégraphie de King Dave avec son équipe technique et ses comédiens, Podz n'aura eu que cinq jours pour le faire avant de pouvoir tourner le plan-séquence à cinq reprises. « Le premier soir de tournage, c'était la première fois qu'on faisait le film au complet, sans arrêt. J'avais dit à tout le monde que quoi qu'il arrive, on n'arrêtait pas, pour voir si ça marchait. Et ça a fonctionné ! Tout le monde était un peu surpris qu'on s'en soit sortis », lance le réalisateur qui aura finalement choisi de garder la cinquième et dernière version du plan-séquence.

Bien qu'il ait déjà tourné un plan-séquence de 13 minutes dans le cadre de la série télé 19-2 (la scène de la tuerie dans une école), le cinéaste a dû réinventer sa manière de travailler sur King Dave

« J'ai jeté à la poubelle tout ce que j'ai appris dans le métier jusqu'ici. Dès que je revenais à mes instincts, ça ne marchait pas. Ce n'était pas le film. »

- Podz

Alors que les lieux de tournage et les décors dictent le parcours que l'équipe devra emprunter, Podz doit effectuer la mise en place des comédiens aux côtés de toute son équipe technique.

« Les chefs d'équipe étaient là et me posaient toutes sortes de questions pendant que j'inventais la mise en scène. C'était difficile parce qu'en général, c'est un moment de création où tu as besoin de calme, mais dans ce cas-ci, il fallait absolument poser les questions techniques en même temps. Il a fallu créer la mise en place devant tout le monde. À chaque changement dans la chorégraphie, il fallait recommencer avec tout le monde », explique Podz.

GROS DÉFI DE PRODUCTION

Nicole Robert n'a pas hésité un instant à produire King Dave malgré le défi technique que le tournage d'un seul plan-séquence pouvait représenter. Avec un budget de 4,7 millions, King Dave présente tout de même un gros risque financier pour la productrice, mais aussi pour Podz et Alexandre Goyette qui n'ont pas hésité à réduire leurs cachets pour aider à financer le long métrage.

« C'est le plus gros défi de production que j'aie jamais eu. Mais on était toujours sur l'adrénaline. Je savais que j'étais sous-financée. Je suis 300 000 $ dans le trou ! Quand j'ai vu que j'étais en train de frapper le mur financier à 150 milles à l'heure et que je n'avais pas de pédale de frein, j'ai commencé à angoisser. Mais je n'ai jamais regretté », conclut Nicole Robert.

King Dave prend l'affiche le 15 juillet

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Nicole Robert n’a pas hésité un instant à produire King Dave malgré le défi technique que le tournage d’un seul plan-séquence pouvait représenter.