Dix ans après la sortie du film original, nos p'tits cochons nationaux reprennent aujourd'hui l'affiche. Mais avant, nous avons profité de l'ambiance de la Brasserie Capri de Verdun pour jaser avec Guillaume Lemay-Thivierge, Paul Doucet et Patrice Robitaille, le petit nouveau, qui incarnent les trois frères aux prises avec de nouveaux démons. Un échange viril et sympathique, à l'abri du grand méchant loup.

D'entrée de jeu, parlez-moi du décalage - ou pas - entre votre vraie vie et celle de vos personnages dans Les 3 p'tits cochons.

Guillaume : Moi, je suis pareil, pareil, pareil ! [Tous éclatent de rire] Sans farce, j'espère qu'il y a un décalage parce qu'il [son personnage] est tarte ! Moi, j'aime le moment présent, même quand je joue. Le trip de faire semblant d'être quelqu'un d'autre. Tu pousses tes défauts, la caricature, pour devenir quelqu'un que tu n'es pas, mais que tu as en toi.

Patrice : Jouer, c'est toujours se projeter dans la vie du personnage que t'es appelé à jouer, c'est le principe de base du jeu. Le moment présent, tu ne peux pas être dans cet état de jeu quand t'as pas confiance en tes capacités.

Paul : Moi, je ne suis pas bisexuel et multimilliardaire au volant d'une Bentley, mais c'est sûr qu'on met du nôtre, de notre vie, de notre sensibilité. Une des choses qui est intéressante dans ce personnage, pour moi, c'est tout le conflit qu'il vit par rapport à son coming out. Je réalisais tout d'un coup tout ce que ça pouvait représenter.

Le film s'articule autour d'une relation étroite entre trois frères, ça vous touche dans vos vies ?

Guillaume : J'ai joué énormément avec mon frère plus jeune, mais c'est vrai que la vie t'emmène [ailleurs]... On dirait qu'après, ça devient un effort de se voir. C'est compliqué. Il a sa famille, t'as la tienne. Il a sa vie, t'as la tienne.

Patrice : Souvent, ce sont les parents qui entretiennent le lien et quand ils lèvent le fly, ça devient plus dur. De plus en plus, les familles sont moins nombreuses, ça devient plus dur de fitter avec quelqu'un.

Le couple est un sujet vieux comme la Terre, mais il a évolué sur tous les plans. Hommes et femmes partagent des milieux de travail, leurs inégalités s'amenuisent, les familles ont moins d'enfants, les gens vivent plus vieux, s'entretiennent davantage. Sentez-vous que le couple est devenu incompatible avec la société actuelle ? Faut-il le repenser ?

Paul : C'est une question générationnelle. Ça dépend à qui tu parles. Pour ma part, j'ai fait le choix de fonder une famille avec la mère de mes enfants et ça fait 17 ans qu'on est ensemble. On va travailler à travers les aléas de la vie, on est convaincus de ça, c'est un partnership.

Patrice : Peu importe la situation, c'est un choix. Faut juste que les personnes impliquées prennent la même décision. Vieillir à deux, c'est cool aussi, c'est un miroir de ce que t'es. Si t'as travaillé toute ta vie à bâtir, c'est un autre bon projet aussi séduisant.

Guillaume : Nous, l'exemple qu'on a eu, c'est une personne à la fois. Moi, j'aime une personne à la fois, être complètement dévoué, romantique, amoureux ben raide. Mais le désir de plusieurs personnes va toujours exister, je pense, à partir du moment où t'es honnête avec toi-même.

Dans le film, certains personnages passent à travers l'adultère, d'autres pas. Pensez-vous que la fidélité est possible à long terme dans un couple en 2016 ? Votre milieu ne constitue-t-il pas le summum de la tentation ?

Guillaume : C'est sûr qu'il y a de la tentation et qu'on voit beaucoup de belles femmes, mais l'infidélité a son prix.

Paul : Non seulement dans notre métier, mais par la nature de notre métier, les gens nous voient dans leur salon, ont une proximité avec nous. Quand tu rencontres des gens, ils shakent en te serrant la main, sont impressionnés. Mais pour moi, c'est possible [la fidélité], ça fait quand même 17 ans.

Patrice : En fait, l'amour, si c'était facile, on en parlerait moins. C'est dur d'être en amour, faut pas non plus confondre amour et désir. La passion du début, c'est l'fun en ta... mais c'est assez éphémère. C'est dur, être en couple, dur de résister à certaines pulsions. Il faut établir des balises qui sont propres à chaque couple.

Guillaume : Tu te cherches de toute façon tout le temps. Mettons que t'es quelqu'un qui va à gauche et à droite tout le temps, ben, intérieurement, t'es quand même en train de chercher quelque chose. Même chose si t'es en couple et essaies de le solidifier, tu cherches aussi quelque chose. T'es toujours dans l'instabilité. Faut l'accepter.

Deux d'entre vous ont des familles reconstituées avec des enfants nés d'unions précédentes. Sentez-vous, à trois, que vous êtes représentatifs de votre génération (ou, sinon, de votre milieu) ?

Paul : Nous, on est pas mal le standard avec notre famille de quatre. Les forfaits, les voitures et les spéciaux à l'hôtel sont faits pour nous.

Patrice : C'est mieux d'être deux parents avec des enfants ensemble, c'est encore le modèle le plus simple. Mettons que tu ne fais pas éclater une famille pour simplifier les affaires.

Guillaume : En effet, parce que c'est très compliqué. Mais il y a des situations où t'es ben mieux de faire ça. C'est comme un agenda complexe. Ça va rentrer, faut juste être plus organisé.

Qu'observez-vous de différent chez les générations montantes dans leurs relations interpersonnelles ?

Patrice : C'est de la sociologie à 5 cennes, mais ça va être intéressant d'observer tout l'avènement des réseaux sociaux et de la glorification de ton existence, si ça va faire des gens narcissiques. L'impact à long terme de la mise en marché de ta personne tout le temps.

Paul, ton personnage de Rémi se dit « pansexuel ». Est-ce utopique de penser que des gens peuvent aimer n'importe qui, nonobstant leur sexe ?

Paul : Clairement, ça se peut, car des gens s'affichent ainsi. Moi, ça me dépasse un peu personnellement. Mais ça se peut. Tout se peut.

Guillaume, ta vie sentimentale a été hautement médiatisée dernièrement. J'ai entendu beaucoup de monde se dire : "Ben s'il parle de son couple quand ça va bien, faut qu'il s'attende à recevoir des questions quand ça va mal !"

Guillaume : [Me coupe] Ça, c'est du monde qui connaissent fuck all, rien au milieu artistique. Parfois, je trouve ça bas de gamme de penser de même et je n'ai pas peur de le dire. Oui, ç'a été très médiatisé [sa rupture avec Mariloup Wolfe] parce qu'on est deux personnes connues. En couple, les gens moussent nos réponses, en ajoutent, bonifient. Quand il y a une séparation, c'est comme si t'avais un devoir de rendre des comptes aux gens à qui t'as dit que ça allait bien dans le passé. Ce que les gens ne comprennent pas, c'est que c'est dur pour les enfants autour.

Est-ce qu'il faut faire un deuil de sa vie privée quand on est une personnalité populaire ?

Patrice : Moi, je ménage mes enfants. C'est mon choix, je ne suis pas à l'aise avec ça. Moi, j'ai choisi ce métier-là, pas mes enfants.

Paul : Nous, on vit dans un petit village et on est extrêmement présents dans les activités de nos enfants. On a une véritable vie, on ne se cache pas.

Après des films comme Le mirage, Laurence Anyways, Horloge biologique ou des séries comme Les invincibles, que reste-t-il à dire sur les couples ?

Guillaume : Tout. C'est un cercle qui tourne, selon moi.

Patrice : Il y aura toujours des films et séries là-dessus, c'est un moteur incroyable.

Paul : Ça serait d'ailleurs intéressant de voir dans un autre 10 ans ce que nos personnages vont faire.