Un long métrage, une installation et un site web. Guy Maddin, Evan et Galen Johnson ont-ils découvert l'avenir du cinéma en replongeant dans son passé ?

En 120 ans, des milliers de films muets ont été perdus. C'est devenu une obsession pour le cinéaste de Winnipeg Guy Maddin qui lui a inspiré un long métrage, The Forbidden Room, un site web et l'installation Seances qu'on peut voir en ce moment au Centre PHI.

Trois projets en un. Trois coréalisateurs. Un vrai trip à trois cinématographique produit avec la collaboration de l'Office national du film.

« Je ne sais pas si les gens avaient conscience de l'ampleur du projet quand nous avons commencé. Il a grandi et grandi et aurait pu grandir encore parce que ce sujet de la perte est fascinant et sans fin. On y a mis fin, heureusement, avant de se perdre. » - Le réalisateur Guy Maddin

Le spectateur de Seances aussi ressent la douleur de la perte. En interagissant avec l'installation, il peut créer un court métrage à partir de scènes déjà tournées, mais ce film disparaîtra lui aussi. Impossible de l'arrêter ou de l'enregistrer.

« C'est bien si on peut sentir un film comme on sent une chanson ou de la musique, croit le cinéaste. Le sens viendra ou pas, mais est-ce que l'expérience a été belle, étrange, touchante ? Notre expérience se rapproche plus de la musique. »

ACTEURS RECONNUS

À partir de titres de films muets disparus, les réalisateurs ont tourné des dizaines de scènes à Montréal et à Paris avec des acteurs reconnus comme Karine Vanasse, Roy Dupuis, Geraldine Chaplin et Mathieu Amalric. Un algorithme s'occupe du montage.

« Les courts métrages que nous avons filmés sont segmentés et le programme informatique les assemble de façon aléatoire », explique Galen Johnson.

« Nous avons tout fait pour rendre l'aspect dégradé du film en y incluant aussi du numérique, ajoute-t-il. Nous avons travaillé beaucoup en postproduction. »

Les courts métrages « réalisés » par les spectateurs possèdent tous un aspect onirique, à l'opposé de récits traditionnels. 

« Chaque court métrage a été filmé et écrit avec le même genre d'univers, d'atmosphère, de ton, comme si c'était le même cerveau qui faisait tous ces rêves », note Evan Johnson.

FILM INTERACTIF

L'interactivité se trouve au centre de la démarche. Guy Maddin et ses complices aimeraient pousser plus loin cette idée fructueuse, croient-ils, pour l'avenir du cinéma.

« Pendant plusieurs années, j'ai été un faux pionnier du cinéma en recyclant le vocabulaire du cinéma des premiers temps. Là, je sens que nous sommes de vrais pionniers avec Galen et Evan. » - Le réalisateur Guy MaddinQuelle suite peut-on donner à ce genre de projet ?

« Nous nous sentons un peu comme des explorateurs de l'Antarctique, affirme Guy Maddin. Nous venons de revenir à la maison sains et saufs. Donc, l'idée de repartir vers des territoires inconnus ne nous sourit pas tout de suite. »

LONG MÉTRAGE « CONVENTIONNEL »

Les trois artistes s'attaqueront donc à un projet de long métrage plus « conventionnel » avant d'explorer à nouveau un univers où les genres, les récits et les techniques se mélangent.

« L'avenir m'apparaît enthousiasmant pas uniquement en raison de la technologie, dit le cinéaste. Quand j'ai fait My Winnipeg en 2007, tout le monde me demandait ce qui était vrai ou pas. Aujourd'hui, tout le monde comprend qu'un documentaire est le produit de quelqu'un qui a des émotions et des opinions. »

« Il n'y aura plus de frontières bientôt, ajoute-t-il. Je m'intéresse aux essais filmiques avec des éléments de documentaire et de fiction. Les films peuvent faire les deux ensemble comme le roman Moby Dick. Je crois que le Canada est prêt pour son Moby Dick, que ce soit sur film, sur l'internet, à la télé ou dans un festival. »

Seances est présenté dans le cadre de l'exposition Sensory Stories au Centre PHI jusqu'au 21 août.

Photo fournie par Mongrel

Le réalisateur Guy Maddin

Photo Martin Chamberland, La Presse

Gregory Hlady et Karine Vanasse font partie des acteurs qui ont participé au projet de Guy Maddin et d’Evan et Galen Johnson.