Besogneuse, déterminée, convaincue, Renée Beaulieu a porté à bout de bras son premier projet de long métrage, Le garagiste, qui arrive sur nos écrans. Sur le fond d'une histoire dominée par la maladie, la cinéaste désirait communiquer sa façon singulière de voir la vie et l'existence. Ce qui fait de son travail un beau sujet à débats.

La maladie, lorsqu'elle s'incruste dans notre corps pour ne plus en sortir, nous dérange, nous enrage, nous fait souffrir, nous décourage. Dans le cas d'Adrien, elle conduira à un choix. Elle mènera à l'ultime acte de liberté, celui de mourir. Le corps meurtri, mais la tête haute.

C'est le propos que défend la cinéaste Renée Beaulieu, scénariste, réalisatrice, monteuse, productrice du long métrage Le garagiste qu'elle a tourné à bout de bras et avec un budget famélique. Elle a réussi grâce à sa détermination et à l'engagement d'une équipe convaincue de la valeur de son sujet en dépit du refus de financement des institutions.

Mettant en vedette Normand D'Amour dans le rôle d'Adrien, Le garagiste s'intéresse à l'histoire d'un mécanicien vivant dans le Bas-Saint-Laurent où il dirige l'entreprise fondée par son père. Miné par une maladie rénale nécessitant trois séances de dialyse par semaine, Adrien est en attente d'un rein. Il en reçoit finalement un. Son corps le rejette. Adrien n'en peut plus. Il abandonne. Il sait qu'il fera du mal autour de lui, mais il fait en même temps ce choix pour protéger les siens, assure la cinéaste. La liberté est à ce prix.

«Je ne suis pas d'accord avec l'acte que pose Adrien. Cela a été une difficulté d'écriture. Mais si on est responsable de son existence, on fait ses propres choix et ça suppose qu'on les assume. Ça ne suppose pas nécessairement qu'on agit bien ou mal, par contre. Mais qu'on agit en fonction de ce qu'on pense qui est bien», résume Renée Beaulieu en entrevue.

Selon elle, être responsable de sa vie donne accès à une forme de liberté, celle de faire ses choix et d'éviter toute forme de dépendance. Et si cela peut déranger, faire des choix peut se traduire par un certain rayonnement autour de soi.

À l'inverse, se mettre toujours en position d'attente n'est pas sain pour l'existence. On ne peut en avoir meilleur exemple qu'à travers le personnage d'Anna (Nathalie Cavezzali) qui module sa vie en fonction de celle d'Adrien. Avec les coups durs qu'on peut deviner.

«Si Anna avait pris la responsabilité de sa propre existence, elle atteindrait ce même niveau de liberté qu'Adrien, dit la cinéaste. Autrement dit, on est responsable individuellement de sa vie. De bien agir, c'est d'abord pour soi avant de le faire pour les autres.»

Normand D'Amour a la même façon de penser que Renée Beaulieu. «Adrien est un bon gars même s'il est taciturne, dit-il. La maladie freine ses ardeurs et le plonge dans une colère toujours contenue. Il est troublé par les décisions qu'il va prendre. Mais ses décisions, il les prend seul, sans demander l'avis de personne. Il est très responsable. Il ne va pas entraîner les autres dans son malheur.»

En entrevue, Nathalie Cavezzali soulève elle aussi qu'Anna est en attente et s'investit dans un rôle d'accompagnatrice. Mais, fait-elle remarquer, elle va finir par accepter le choix d'Adrien. «C'est une autre forme de résilience», dit-elle.

Pour la comédienne, le film ne porte aucunement sur la mort, mais sur la vie. «Nous avons ici un sujet très actuel sur la prise de décision, celle de se dire: je veux mourir et voici comment.»

Professeure de cinéma à l'Université de Montréal, Renée Beaulieu, qui se définit d'abord comme une artiste (elle a touché à plusieurs formes d'art), a bâti son histoire à partir d'un fait réel. Pharmacienne dans une autre vie, elle travaillait dans l'établissement de son conjoint lorsqu'un des clients est venu annoncer son intention d'arrêter ses traitements de dialyse.

«Il est venu faire ses adieux aux employés, se remémore la cinéaste. Après son départ, il y a eu une onde de choc. C'est ce qui m'a marquée et guidée.»

Les salopes

Renée Beaulieu n'a pas tenu d'audition pour les cinq rôles principaux de son film. Et, comme elle est fidèle, les principaux acteurs du Garagiste (D'Amour, Cavezzali, Louise Portal, Pierre-Yves Cardinal) se retrouveront dans son prochain projet, Les salopes, dont le rôle principal sera défendu par Pascale Bussières.

«Ce sera un film engagé, féministe, mais dans le créneau populaire, assure-t-elle. Le sujet du film porte sur l'infidélité féminine. Je dirais que Les salopes sera dans la lignée des Trois p'tits cochons ou du Mirage, mais au féminin.»

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Le garagiste prend l'affiche le 6 novembre.