Tout le monde s'entend pour dire que l'adaptation de Paul à Québec au grand écran respecte la bande dessinée originale. À commencer par Gilbert Sicotte, interprète du personnage central de Roland.

En plus de 40 ans de métier, Gilbert Sicotte est mort quelques fois aux petit et grand écrans. Mais c'est comme son personnage de Roland dans Paul à Québec qu'il souhaite finir ses jours.

«Je connais cet univers qui est proche de moi, dit le comédien. J'ai un frère et une soeur que j'ai accompagnés à la fin de leur vie. Lorsque j'ai de nouveau vu le film, il y a quelques jours, je me suis dit que je voulais mourir comme Roland, si bien entouré de sa famille. Je trouve cette situation privilégiée parce qu'il y a tellement de gens qui meurent dans la solitude...»

Après avoir ébloui le Québec avec son interprétation de Marcel Lévesque dans Le vendeur de Sébastien Pilote, Sicotte défend ici un autre personnage marquant.

Film de François Bouvier adapté de la bande dessinée de Michel Rabagliati, Paul à Québec est l'histoire de Roland (Sicotte), homme entouré d'une famille magnifique, à commencer par sa femme Lisette (Louise Portal), ses trois filles ainsi que les conjoints et les enfants de celles-ci.

Cette vie, si douce et paisible soit-elle, s'achève toutefois, Roland étant rongé par un cancer. En dépit de ses écarts de conduite, imputables à une colère refoulée, la famille serrera encore une fois les coudes. Son départ se fera dans l'amour.

«Le film a été pensé et joué dans le respect de chaque moment, sans aucunement appuyer sur des boutons, dit M. Sicotte. Ce qui ressort du film, c'est l'humour, le rire, les larmes.»

Ce qu'il déclare, tout le monde le dira sous une forme ou une autre au cours de la ronde d'entrevues données à l'approche de la sortie du film. À commencer par Rabagliati qui a puisé «à 100 %» dans son histoire personnelle pour créer cette oeuvre.

Unir deux destins

Si Roland est le moteur du long métrage, Paul en est l'âme. Il fallait donc unir les deux destins au coeur du scénario, dit pour sa part le réalisateur François Bouvier.

Paul (François Létourneau) est, précisons-le, le conjoint de Lucie (Julie Le Breton), une des filles de Roland. Tout en accompagnant Lucie dans sa peine, il vivra une épiphanie en mettant dos à dos la mort imminente de Roland, la retraite de son père taciturne (Julien Poulin) et sa propre existence.

«L'élément principal ajouté au film est que Paul est encore plus près de Roland que dans la bande dessinée, dit Michel Rabagliati. Paul se rapproche de Roland par l'entremise du dessin. Le decrescendo de Roland provoque une grande sympathie chez Paul et ce dernier va avoir envie de raconter l'histoire de Roland.»

Ce qu'il fera, on aura compris, en commençant une bande dessinée qui deviendra... Paul à Québec. Comme mise en abyme, on peut difficilement faire plus original. Destin scellé!

Encore fallait-il une conjugaison des forces vives du milieu afin que cette idée se concrétise. Or, les astres étaient bien alignés.

Michel Rabagliati souhaitait voir une de ses oeuvres, Paul a un travail d'été, portée au grand écran. Admirant le travail de François Bouvier, il avait pris contact avec lui. À peu près au même moment, les productrices Karine Vanasse et Nathalie Brigitte Bustros ont joint l'éditeur de Rabagliati dans l'espoir d'acheter les droits d'adaptation de Paul à Québec.

«Nous réfléchissions à un projet de film et trouvions qu'on adapte peu de romans au Québec et encore moins de bandes dessinées, dit Karine Vanasse. Nous trouvions toutes les deux que Paul à Québec avait le plus de potentiel cinématographique.» «Notre but est de raconter des histoires qui vont toucher et rassembler les gens», ajoute Mme Bustos.

Le producteur André Rouleau a été sondé en raison de son CV (Starbuck, Funkytown, etc.) et s'est rapidement lancé dans l'aventure.

Devant la mort

Louise Portal a aussi vécu des moments similaires à l'histoire du film lorsque sa soeur Pauline Lapointe est morte du cancer en 2010. Elle vient d'ailleurs de lancer un ouvrage sur ce sujet.

«J'ai accompagné Pauline durant les quatre derniers jours de sa vie, dit-elle. Je trouve que c'est un moment essentiel et privilégié de pouvoir accompagner quelqu'un dans ce passage. Ça démythifie beaucoup cette peur et cette crainte qu'on a devant la mort.»

Gilbert Sicotte n'est pas tout à fait d'accord. «C'est lourd. J'ai vu ma soeur dépérir durant des mois. Je n'ai pas trouvé de bons côtés à cela.»

«Tu ne trouves pas que ça nous humanise davantage?», demande Louise Portal.

«Oui, c'est vrai, répond Sicotte. Ça fait partie de la vie et il faut prendre les choses le mieux possible. Mais il reste que ce ne sont pas de beaux moments.»

Dans une entrevue séparée, Julie Le Breton dit trouver intéressant de pouvoir parler de la mort comme d'une expérience humaine et de le faire dans l'angle de l'amour, de la famille, des liens et de ce qu'on laisse derrière soi.

«Le plus grand legs de Roland est cette famille, confie la comédienne. C'est aussi l'amour qu'il a laissé et a donné à ses enfants qui, à leur tour, vont le transmettre aux leurs. C'est une belle histoire et ce n'est pas triste du tout.»

Paul, Lucie et Rabagliati

Interprètes de Paul et de Lucie, François Létourneau et Julie Le Breton forment sans aucun doute un des couples les plus charmants de l'année au cinéma québécois. En entrevue avec La Presse, ils nous parlent des forces de leurs personnages, de l'univers de Michel Rabagliati et des rôles traditionnellement dévolus aux couples au cinéma.

La Presse: Entre Paul et Lucie, quel personnage est le plus solide?

François Létourneau: «Lucie. C'est elle qui est la plus affectée par la mort de Roland, son père. Mais dans le couple, elle possède une force que Paul n'a pas. Julie nous transmet la douceur de Lucie, mais avec une force qui demeure présente en dépit de sa peine.»

Julie Le Breton: «En même temps, il ne faut pas négliger la force tranquille de Paul. Il est là pour soutenir Lucie dans son épreuve. Ce n'est pas tout le monde qui est capable de le faire avec autant de générosité et d'amour. Paul est tellement présent et dévoué pour sa belle-famille. C'est une preuve de force, de courage. Une très grande preuve d'amour et de don de soi.»

La Presse: Comment avez-vous réagi à la première lecture de la BD?

François: «Moi, j'ai pleuré.»

Julie: «Moi aussi. Et j'ai pleuré, je crois, à chacune de mes lectures de Rabagliati. J'avais lu toutes ses bandes dessinées avant de commencer le film. Avec lui, on rit, on pleure. Souvent, on pleure parce que son univers est heureux.»

François: «Je ne suis pas un super fan de BD, mais Paul à Québec a été une révélation. Je me suis dit: quelle histoire touchante. Lorsqu'il a été question de faire un film d'après l'album, mes amis ont commencé à me dire que je ressemblais à Paul, physiquement comme dans la vie. Je me suis mis à penser à ce rôle. Lorsque je l'ai obtenu, j'ai lu tous les autres albums.»

Julie: «Ce qui est touchant dans l'oeuvre de Michel Rabagliati, et j'ose dire que c'est réussi dans le film, ce sont la magie et la beauté dans les petites choses du quotidien. C'est d'arrêter cette course effrénée de la vie pour juste constater qu'il se passe des choses touchantes, tous les jours, autour de nous et qu'il faut prendre le temps de vivre et de les regarder. C'est comme ça qu'on grandit, qu'on prend de la maturité et de la sagesse.»

La Presse (à Julie): Avez-vous l'impression d'être ressortie du film en étant une meilleure personne?

Julie: «Ce projet est arrivé dans ma vie à un moment où j'avais besoin de me déposer. Alors, oui, ce film a eu un impact sur moi. Des liens très forts se sont créés avec les acteurs sur le plateau. Quand on parle de la mort, qu'on le veuille ou non, ça nous ramène à la vie, à l'essentiel, au temps qui passe trop vite. En sortant de ce film, on a juste envie de serrer quelqu'un dans ses bras ou d'appeler ses parents pour leur dire qu'on a hâte de les voir.

La Presse: A-t-on souvent l'occasion de jouer un couple avec autant de tendresse?

François: «Ça fait partie de l'originalité de l'univers de Michel. Trop souvent, dans la fiction, on multiplie les conflits et on dirait qu'il faut que tout aille mal. Dans Paul à Québec, il y a un drame, mais en même temps, le couple va bien. Dans les versions précédentes du scénario, il y avait de la tension entre Paul et Lucie. Ç'a été enlevé, car ça ne fonctionnait pas.»

Julie: «On aurait dit que cette tension banalisait l'histoire.»

La vraie belle-famille dans le film

En faisant l'album comme en participant à l'écriture du scénario, Michel Rabagliati n'a jamais caché que l'histoire de Paul à Québec était inspirée de sa propre histoire et de celle de sa belle-famille, dont le père s'est éteint il y a quelques années. Or, les liens sont visiblement très solides entre Rabagliati et cette belle-famille. Au point que celle-ci a accepté de faire de la figuration dans les scènes des funérailles de Roland. Même la vraie Lisette, qui s'appelle en fait Louisette Dion-Laperrière, est du nombre. «Tout le monde est embarqué là-dedans et les membres de la famille Dion-Laperrière ont eu beaucoup de plaisir à rencontrer les comédiens qui les incarnent», assure le bédéiste.

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Paul à Québec prend l'affiche le 18 septembre.