Ce fut pour lui l'année de tous les possibles. Celle de la consécration de ses plus grandes ambitions. Xavier Dolan, sélectionné en compétition officielle au Festival de Cannes, n'a pas obtenu la Palme d'or pour Mommy, même si plusieurs la lui prédisaient. Mais à 25 ans, le Québécois est officiellement entré dans la cour des grands, ce groupe sélect de cinéastes qui comptent à l'échelle internationale.

Mommy fut sans conteste le coup de coeur du 67e Festival de Cannes, l'événement cinématographique le plus prestigieux en son genre. Il est arrivé dans la compétition en fin de parcours, comme un vent d'air frais, avec l'audace, l'ingéniosité, la fronde, la verve et la passion de son jeune auteur. En séduisant à peu près tout le monde.

La presse internationale s'est emballée instantanément pour le cinquième long métrage du jeune prodige québécois. Pas seulement les médias français - particulièrement dithyrambiques - , mais aussi la presse britannique et américaine. Davantage encore que la presse québécoise.

Là pour de bon

Xavier Dolan est «né» à Cannes en 2009, à la Quinzaine des réalisateurs, avec le film-événement J'ai tué ma mère, coup de coeur en son temps. Il y est retourné par la grande porte en mai dernier, avec ses deux actrices fétiches, Suzanne Clément et Anne Dorval, celle-ci pressentie par plusieurs pour un prix d'interprétation (remis plutôt à Julianne Moore).

Mommy, qui représentait le Canada pour l'Oscar du meilleur film en langue étrangère - mais que l'Académie n'a pas retenu parmi les neuf demi-finalistes -, est une oeuvre sur la quête de dignité, faite de montagnes russes d'émotions. C'est un film percutant, qui n'est pas sans défauts ni longueurs, mais qui correspond en tous points à son auteur: dans ses excès, sa fulgurance, ses brillantes idées de mise en scène et sa profonde affection pour ses personnages.

Ce retentissant coup d'éclat, qui a résonné un peu partout, se retrouve en cette fin d'année dans la liste des meilleurs films de 2014 de nombreuses publications internationales de renommée. Ce ne sera certainement pas le dernier. N'en déplaise à ses détracteurs, qui, au Québec comme ailleurs, méprisent son succès et son ambition, Xavier Dolan est là pour de bon.

Son prochain projet, The Death And Life of John F. Donovan, sera tourné en anglais au printemps 2015, notamment aux États-Unis et en Grande-Bretagne, et mettra en vedette Jessica Chastain, Kit Harrington, Susan Sarandon et Kathy Bates. Parions que Dolan voudra faire les choses à sa manière, malgré le carcan habituel du cinéma américain.

Espérons aussi que ce porte-étendard d'une génération décomplexée n'abandonnera pas pour autant le cinéma québécois - ce serait étonnant - , lui qui n'a jamais eu peur du joual coloré qui infuse ses films de réalisme, malgré les controverses soulevées par quelques puristes du «bon parler».

Xavier Dolan a relevé un autre défi qu'il s'était lancé en 2014: rejoindre un plus large public. Mommy, une oeuvre pourtant exigeante, a été de loin le film le plus populaire de l'année au Québec: il a récolté plus de 3 millions de dollars aux guichets. Il a aussi obtenu plus de 1,1 million «d'entrées» en France, un résultat exceptionnel pour un film québécois (surpassé seulement par Les invasions barbares, qui avait attiré 1,3 million de Français en 2003).

Dolan est lancé. On se demande bien ce qui pourra l'arrêter.