Petite reine, Julie Arseneau ne l'est jamais autant que dans cette scène où l'athlète, assise au centre d'une classe du secondaire, raconte son quotidien à des adolescents qui, sous leurs airs blasés, boivent quand même ses paroles.

Elle ne régnera jamais autant que dans cette scène d'une grande intelligence. Une scène qui documente l'histoire du personnage central tout en la mettant en contradiction avec presque tout le reste du film. Parce que, sans vouloir faire un jeu de mots avec le sport qu'elle pratique, la cycliste Julie Arseneau est prise dans un engrenage, affirme son interprète Laurence Leboeuf.

«Julie est un peu victime, un peu bourreau. Elle est prisonnière d'un engrenage, explique la comédienne en entrevue. C'est une athlète déterminée avec beaucoup de force mentale, de désir de performances et d'envie de gagner. Mais en même temps, c'est une petite fille perdue. Elle est toute seule et laissée à elle-même.»

En relisant le contenu de ses entrevues avec la cycliste Geneviève Jeanson, le cinéaste Alexis Durand Brault a relevé cette solitude et a demandé à Laurence Leboeuf d'insister sur cet aspect. «J'ai demandé à Laurence de descendre là-dedans en lui spécifiant que l'enfant n'est jamais loin. Les premières fois que j'ai rencontré Geneviève, j'avais vraiment l'impression de sentir l'enfant en elle», observe M. Durand Brault.

Défi physique et mental

Le défi d'interpréter ce rôle a autant été physique que mental pour Laurence Leboeuf. Le film est le fruit d'un tournage très intense d'une trentaine de jours, précédé d'un entraînement d'un an!

«J'ai tout fait dans le film. J'ai monté toutes les côtes, sans doublure, raconte la comédienne. Nous avons commencé les scènes de course en Belgique. La première portion du mur d'Huy, nous l'avons grimpée et redescendue plus de 60 fois. Je sortais épuisée de mes journées. Le soir, je me couchais de bonne heure!»

Patrice Robitaille, qui joue son entraîneur (JP), confirme. Et exprime toute son admiration. «Laurence est une fille respectueuse et travaillante sur le plateau. Alexis l'a poussée loin et jamais elle n'a rechigné.»

«Cela m'a ouvert une brèche émotive que je ne connaissais pas. Je me sentais davantage à fleur de peau en poussant aussi loin physiquement, poursuit Laurence Leboeuf. Mais cet épuisement, cette fatigue physique, apportait quelque chose de bien pour le personnage. Et ça m'a permis de me trouver une force que je ne connaissais pas.»

Côté mental, ce n'était pas toujours évident d'incarner une personne dont les émotions sont toujours exacerbées. «Ce qui aidait, c'est que c'était librement inspiré, précise toutefois Mme Leboeuf. Dans le film, je ne m'appelle pas Geneviève, je n'ai pas les cheveux comme elle, etc. Ce n'était pas une autobiographie. Il y avait donc un espace de liberté qui me permet de créer mon propre personnage et de ne pas me mettre de la pression.»