Mars 1948. Dans la petite ville de Oisterwijk aux Pays-Bas, une voiture s'arrête devant la maison des Vanderheyden. En débarque Traudi Berndl, une fillette autrichienne de 8 ans.

Traudi fait partie des quelque 180 000 enfants des pays vaincus qui, après la fin de la Seconde Guerre mondiale, vont passer quelque temps dans des familles françaises, belges et hollandaises. Pour l'organisation internationale de la Croix-Rouge, à la tête du projet, la réconciliation entre anciennes nations belligérantes commence par les enfants.

Québécois d'adoption depuis 60 ans, Kees Vanderheyden avait 15 ans à l'époque. Plus tard, en écrivant des ouvrages inspirés de ses souvenirs (La guerre dans ma cour, L'enfant de l'ennemi), M. Vanderheyden s'est remémoré la petite Traudi et s'est mis à sa recherche. En avril 2004, grâce à la Croix-Rouge, il a retrouvé sa trace et a repris contact avec elle.

C'est cette odyssée que raconte le cinéaste André Melançon dans le documentaire Les trains de la vie diffusé ce soir à 21h dans le cadre de l'émission Zone Doc sur les ondes de Radio-Canada. La Presse s'est entretenue avec le cinéaste.

Q : Comment s'est construit votre projet?

R : C'est Jean-Pierre Charbonneau, un ami de Kees et moi, qui nous a mis en contact. J'ai d'abord lu les livres de Kees puis je l'ai accompagné dans des classes (fin primaire/début secondaire) où il va parler aux jeunes. C'est là que j'ai été renversé. En deux minutes, il avait capté leur attention. Je pense que ces jeunes ont été saisis en se faisant raconter la guerre par quelqu'un qui l'a vécue à l'âge qu'ils ont.

Q : M. Vanderheyden a vécu bien des anecdotes de guerre. Pourquoi faire un film sur l'une de celles-là?

R : C'est la possibilité d'une réconciliation. Il y a quelque chose d'extraordinaire dans cette histoire. La petite Traudi n'était pas que l'enfant de l'ennemi. Elle avait des rêves, des ambitions. Pour moi, ce sujet était comme la cerise sur le sundae dans l'histoire de M. Vanderheyden.

Q : Comment avez-vous tourné votre documentaire?

R : Nous avons d'abord tourné de nombreuses séquences au Québec. J'ai accompagné Kees dans ses conférences dans trois classes différentes. Puis nous sommes allés aux Pays-Bas où il a retrouvé la maison de son enfance, un moment très émouvant. Cette séquence a été filmée avec une dimension onirique. Puis, nous sommes allés à Vienne où Kees devait retrouver Traudi. Mais celle-ci était trop malade pour le recevoir. La rencontre a finalement eu lieu par Skype! En dépit de ce rendez-vous (en personne) raté, je trouvais bien d'utiliser un moyen aussi moderne pour permettre à deux personnes qui ne s'étaient pas vues depuis 62 ans de se retrouver.

Q : Avec Les contes pour tous, les enfants prennent une grande place dans votre cinéma. Pourquoi?

R : Les enfants possèdent une qualité exceptionnelle qui est l'appétit. Ils sont curieux, ils veulent tout apprendre. Malheureusement, plusieurs d'entre nous vont perdre cet appétit en vieillissant. J'ai toujours été fasciné par l'enfance; c'est un terrain extrêmement fertile pour le cinéma.