À l'occasion du dixième anniversaire de la sortie de Gaz Bar Blues, la Cinémathèque québécoise tient ce soir une présentation spéciale du film en présence des artisans. Pour l'occasion, La Presse s'est entretenue avec le réalisateur Louis Bélanger.

Chaque fois qu'il fait le plein d'essence, Louis Bélanger pense à son père.

L'odeur de l'essence lui rappelle invariablement le garage familial que le paternel a dirigé de longues années à Limoilou. Un garage où tous les enfants ont travaillé et qui sert d'assise au long métrage Gaz Bar Blues, qui célèbre son dixième anniversaire. Présenté en première mondiale au Festival des films du monde de 2003, l'oeuvre y avait remporté trois prix.

À travers le personnage de François Brochu (Serge Thériault), Gaz Bar Blues nous plonge dans le quotidien d'un petit débit d'essence dont l'avenir est menacé par le désintérêt des fils du propriétaire et l'émergence des stations libre-service.

Dans sa critique très favorable (quatre étoiles) du film, notre collègue Sonia Sarfati disait dans La Presse que Bélanger avait «créé des personnages beaux et profonds dans leur simplicité» et qu'il avait «su mettre sur pellicule l'émotion de l'ordinaire».

À l'occasion de ce dixième anniversaire, des amis de Bélanger et les dirigeants de la maison de production Coop Vidéo souhaitaient souligner l'événement. Un geste que le cinéaste était réticent à faire. Jusqu'au jour où la Cinémathèque a proposé de sortir de ses réserves son exemplaire de conservation. «Les dernières fois où j'avais vu le film en salle furent éprouvantes. Les copies avaient voyagé et étaient revenues en mauvais état, se remémore Bélanger. Or, lorsque j'ai revu la première bobine de la copie de la Cinémathèque avec des membres de l'équipe, on s'est dit que ça valait la peine de faire cette projection juste pour ça!»

Un vieil ami

Ce sera aussi l'occasion pour une bande d'artisans qui, foi de Louis Bélanger, ont eu un plaisir fou à travailler à ce projet, de se retrouver. La séance est bien entendu ouverte au public.

Louis Bélanger considère son oeuvre comme un vieil ami tant elle l'a suivi depuis 10 ans.

«Encore aujourd'hui, je me fais arrêter dans la rue par des gens qui ont vu le film. Plusieurs sont allés en famille, dont beaucoup de pères avec leur fils, dit le cinéaste. Le directeur photo Jean-Pierre Saint-Louis m'a dit qu'à son avis, c'est mon film le plus fédérateur.»

Peut-être parce que c'est le plus autobiographique, suggère-t-on. L'auteur nous donne raison et ajoute qu'au départ, il ne croyait pas que ce projet intéresse qui que ce soit.

«C'est Bernard Émond et Lorraine Dufour [productrice et monteuse] qui, alors que j'étais parti en Suisse, ont pris un premier jet d'une dizaine de pages que j'avais écrites, ont corrigé les fautes et l'ont envoyé à la SODEC. Les gens de l'institution l'ont tellement aimé que j'ai eu une subvention pour écrire le scénario», lance Bélanger.

Ce dernier ajoute que c'est à Robert Morin qu'il doit l'idée d'avoir raconté l'histoire du point de vue du père et non de son fils cadet de 13 ans, comme c'était prévu au départ. «Cela a permis au film de prendre plus de profondeur», dit-il.

Il y a aussi, dans son film, une dimension universelle qu'il n'avait pas vue à l'origine. Cette universalité se manifeste dans la famille, le groupe d'hommes sympathiques et authentiques qui fréquentent le même endroit. «En voyant le film, des gens ont retrouvé ce qu'ils ressentaient dans la cordonnerie, dans le casse-croûte familial», dit le réalisateur.

Encore aujourd'hui, Louis Bélanger aime se replonger dans ce doux souvenir de jeunesse. Il ne va jamais faire le plein dans un libre-service. «J'aime toujours m'arrêter dans un garage, jaser avec le jeune pompiste et lui donner une piastre pour son travail.»

Et bien sûr, avoir une bonne pensée pour son père.

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La soirée débute à 18h30 à la salle Claude-Jutra de la Cinémathèque québécoise.

Louis Bélanger en cinq films

Post Mortem (1999)

Ce premier long métrage de fiction met en vedette Gabriel Arcand dans le rôle d'un employé de la morgue ayant un rapport trouble avec Linda Faucher (Sylvie Moreau), dont le corps se retrouve sous sa responsabilité. Le film a été récompensé de plusieurs prix.

Lauzon Lauzone (2000)

Produit chez Lyla Films, ce documentaire porte sur le cinéaste Jean-Claude Lauzon, réalisateur d'Un zoo la nuit et de Léolo. Bélanger y retrace les différents moments de sa vie par l'entremise d'extraits de son oeuvre et de témoignages de ses proches.

The Timekeeper (2009)

Mettant en vedette Roy Dupuis, ce film tourné en anglais et adapté du roman de Trevor Ferguson nous ramène en 1964, dans les Territoires du Nord-Ouest, où Martin Bishop, jeune travailleur des chemins de fer, voit ses valeurs morales mises à rude épreuve.

Route 132 (2010)

Anéanti par la mort de son fils de 5 ans, un homme s'embarque dans un voyage en voiture jusque dans le Bas-Saint-Laurent avec un ami d'enfance. Film d'ouverture du Festival des films du monde en 2010, l'oeuvre a valu à François Papineau le prix du meilleur interprète masculin.

Louis Martin, journaliste (2011)

Avec son bon ami Alexis Martin, Louis Bélanger coscénarise et coréalise un documentaire sur Louis Martin, père d'Alexis et un des grands noms du journalisme québécois, mort en janvier 2008.