La scène d'ouverture met la table. Daria et Severyan, couple de jeunes gens, sont enlacés dans une dernière étreinte avant de se séparer.

De là, Severyan part arpenter son quartier, le Mile End montréalais, à la recherche d'autres gens avec qui échanger sur l'amour, la fidélité, l'infidélité. C'est la nuit. Les gens sont décontractés. Les langues se délient.

Dans ce premier long métrage documentaire, le cinéaste Jean-François Lesage partage le fruit de ces propos nocturnes.

Q: Qu'aviez-vous envie de dire à travers ce film?

R: J'avais plutôt envie d'écouter les gens de mon quartier que de dire absolument quelque chose. Je voulais entendre des amis, des voisins, des inconnus discourir sur les relations amoureuses, tard dans la nuit. La rupture d'un couple d'amis, Daria et Severyan, est devenue une excuse pour aller frapper aux portes du Mile End avec une caméra et un micro à la main. Lorsque Daria est partie, j'ai proposé à Severyan de sortir de sa torpeur en allant à la rencontre de son quartier pour écouter ce que ses résidants avaient à dire sur leurs déboires amoureux.

Q: En quoi le Mile End est-il un terreau intéressant pour parler d'amour et d'infidélité?

R: L'amour et l'infidélité sont des sujets qui me passionnent et m'obsèdent. J'étais curieux des théories très diverses et uniques que nous créons pour justifier notre propre chaos amoureux. Mais il n'y a pas plus d'amour ou d'infidélité dans le Mile End qu'ailleurs, c'est entendu. Pour ce tournage, j'aimais l'idée de nous donner une contrainte géographique. Le Mile End est un petit quartier qui pouvait devenir, pour nous, un studio à ciel ouvert, où nous pourrions nous promener avec tout l'équipement pendant de longues heures.

Q: Quelles sont les caractéristiques du quartier?

R: J'aime sa diversité. C'est un quartier où on trouve une communauté de juifs hassidiques, des bars de lesbiennes, des bars de hipsters, des clubs de retraités grecs, des cafés italiens. Il attire aussi de jeunes musiciens et musiciennes de la Saskatchewan ou de la Nouvelle-Écosse qui veulent suivre les traces d'Arcade Fire. On les voit la nuit en train de jouer de la guitare sur leur balcon. Tout ce beau monde semble s'accommoder sans trop de mal.

Q: Certaines scènes sont entre fiction et documentaire. Pourquoi?

R: Plusieurs personnes pensent que la scène d'ouverture est une mise en scène alors que j'étais tout simplement là, dans la cuisine, le soir où Daria est venue chercher ses affaires pour aller vivre ailleurs, et je ne suis pas intervenu. Par contre, d'autres scènes ont nécessité une certaine préparation. Par exemple, je trouvais impensable de faire un film dans le Mile End sans donner la parole à un membre de la communauté juive hassidique. Après sept semaines de démarches, un rabbin a accepté de nous rencontrer dans un parc. En documentaire ou en fiction, j'aime les films où on sent qu'il y a une âme derrière la caméra. Ma principale aspiration était de camper une atmosphère évocatrice; c'est ça qui primait les autres considérations.

Q: Vous aimez tourner à la lumière des éclairages de rue. Pourquoi?

R: Les éclairages de lampes de poche, de lampadaires, de feux de circulation, de néons, de téléphone cellulaire me plaisent. Mais j'aime aussi filmer la nuit parce que les inconnus que l'on croise dans la rue à 3h du matin un jeudi ne nous parlent pas de la même chose, ni de la même manière, qu'à 8h un lundi matin. Les gens sont parfois soûls ou drogués et le ton de la conversation est très différent. La nuit offre un meilleur terrain pour les confidences intimes.

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Conte du Mile Endprend l'affiche le 6 décembre.