Il y a longtemps qu'on en parle. Maintenant, c'est fait. Le film tant attendu sur Louis Cyr prendra l'affiche sur une centaine d'écrans québécois à compter du 12 juillet.

La surprise n'est pas tant que ce biopic sorte enfin, mais qu'il ait mis aussi longtemps à se faire. Louis Cyr est en effet un authentique héros québécois. Sa vie et ses exploits monumentaux dépassent l'entendement. Plusieurs de ses records de levées de poids n'ont jamais été battus. Et sa notoriété dépassait de loin les limites du Canada français. Or, personne jusqu'ici n'avait songé à transposer la vie du célèbre homme à l'écran. Pourquoi?

C'est la question que s'est posée le réalisateur Daniel Roby (Funky Town) après avoir lu la biographie de Paul Ohl dont s'inspire le film.

«Ce gars-là est allé jusqu'à Londres pour affronter les hommes les plus forts de son époque. Il a gagné des tonnes de concours. C'était un entrepreneur dans l'âme. Il a inventé les premiers cirques de l'ère moderne, sans animaux, bien avant Guy Laliberté. J'ai été stupéfait de voir que peu de gens savaient qu'il avait existé et que c'était un pan oublié de notre histoire.»

Oublié? Enfin, pas tout à fait. Comme le géant Beaupré, Alexis le Trotteur ou Maurice Richard, le nom de Louis Cyr n'a jamais cessé d'habiter l'inconscient collectif québécois.

Lui redonner sa place dans l'histoire

Mais certains, comme Paul Ohl, déplorent que le célèbre homme fort ait été réduit, avec le temps, à un simple personnage folklorique. «Le grand défi de ce long métrage sera de lui redonner sa véritable place dans l'histoire» lance l'auteur.

«C'est un devoir de mémoire», ajoute Daniel Roby, visiblement sur la même longueur d'onde.

Conscient que son film réhabilitera Louis Cyr dans l'imaginaire d'une nouvelle génération, le cinéaste a tenu à respecter le plus possible les contours de cet animal hors-norme, qui était beaucoup plus qu'une bête de cirque. Si l'intrigue contient ainsi sa part de fiction (la relation difficile avec sa fille, notamment), les faits racontés dans ce drame historique sont tous bien réels.

Un imbattable Hercule

Louis Cyr en trois mots? Records. Records. Records.

Pendant une vingtaine d'années, entre 1888 et 1900, ce monstre de muscles et de gras, qui avait les cuisses grosses comme des troncs d'arbre, a pulvérisé tous les exploits de ses rivaux et prédécesseurs.

Levée à un bras d'un haltère de 273 livres. Retenue de quatre chevaux totalisant 4800 livres et courant dans des directions différentes. Épaulement d'un baril de ciment de 315 livres. Et surtout, le fameux backlift, soit la levée avec le dos d'une plateforme avec charge humaine, totalisant plus de 4000 lb. Personne, ni pendant ni après, n'a jamais fait mieux.

Pratiquement plus connu aux États-Unis qu'au Québec, l'homme a eu une véritable carrière internationale et fut, sauf erreur, le premier Canadien français à se produire à Londres et cela, presque 100 ans avant Céline Dion. Sans oublier qu'il était pratiquement plus connu aux «États» qu'au Québec, ayant commencé sa carrière au Massachusetts et tourné dans une quinzaine d'États.

En ce sens, Louis Cyr fut un des premiers modèles de succès pour la «race» canadienne-française.

Hercule issu de la plèbe

Rare symbole de réussite, à une époque où les Québécois étaient encore des porteurs d'eau, cet Hercule issu de la plèbe a profité de ses dons surnaturels pour se sortir de sa misérable condition et s'élever au-dessus de la médiocrité. Pour citer Christian Larouche, producteur du film, ses multiples exploits ont, du même coup, «permis à un peuple d'émerger et de croire en ses possibilités».

Cette dimension plus politique, qui transcende le simple domaine de la force, n'est qu'effleurée dans le film. Mais elle ne manquera pas d'interpeller un public «de souche» qui, disons-le, n'a pas beaucoup de héros à se mettre sous la dent par les temps qui courent.

«Il y a eu plusieurs hommes forts dans son temps, mais aucun comme lui, conclut l'acteur Antoine Bertrand, qui porte le poids du rôle principal. T'as un gars comme ça, pas de complexes, proactif, ambitieux, charismatique et fier de ses origines, qui sort de la masse et s'élève au-dessus de la mêlée. La charge politique est tellement là qu'on n'avait même pas besoin de la souligner.

«Cent cinquante ans plus tard, on est encore capables de lui mettre de quoi sur les épaules. Et je le soupçonne fortement d'être encore capable de nous rendre fiers. Ce n'est pas rien.»

La suite de notre dossier dans le cahier cinéma du samedi 6 juillet.

Louis Cyr prend l'affiche le 12 juillet

Photo Robert Skinner, La Presse

Antoine Bertrand, qui interprète Louis Cyr.