Le marathon cannois vient tout juste de s'achever, mais l'équipe de Sarah préfère la course n'est pas à bout de souffle pour autant. Au contraire : il est maintenant temps d'entamer la portion québécoise de l'aventure.

Fraîchement rentrée de Cannes, la jeune réalisatrice Chloé Robichaud est tout sourire, malgré le décalage horaire.

«C'était fou, Cannes», résume-t-elle mardi, attablée à la terrasse d'un hôtel montréalais où se déroulait la journée de promotion de Sarah préfère la course.

Cette deuxième présence en autant d'années à la grande fête du cinéma lui a procuré «des moments inoubliables», même si elle est rentrée de France les mains vides.

«Pour moi, il n'y a aucune déception, même que ça me faisait sourire quand je voyais les titres d'articles qui disaient que j'avais «échappé» le prix. Il y a eu 1800 soumissions de films et ils en prennent à peu près une quarantaine en sélection officielle. Pour moi, c'est ça le prix», a-t-elle assuré.

Et de toute façon, le long métrage n'est pas passé inaperçu, selon Sophie Desmarais, qui prête ses traits au personnage de Sarah.

«On a vraiment senti qu'on était dans les films chouchous de notre section du festival, a-t-elle suggéré. On a senti qu'il y avait un engouement et une curiosité qui entouraient le film.»

Sarah préfère la course suit - tant bien que mal - une coureuse de fond aux habiletés sociales limitées dont l'univers gravite quasi exclusivement autour de son sport. Exactement le genre de personnage que Chloé Robichaud voulait mettre en scène.

«Je ne suis pas flamboyante comme personne, pas très excentrique, et je trouvais que les personnages féminins au cinéma ne me ressemblaient pas, a-t-elle exposé. Il n'y avait pas de personnage féminin qui venait chercher ce côté plus introverti. Il y a souvent des femmes «très femmes', très sexuées, dans les films. Mais où sont les femmes plus renfermées?

Je pense que ces femmes-là ont le droit d'exister au cinéma, et c'est pour ça, je pense, que Sarah est importante à mes yeux.»

L'actrice Sophie Desmarais, qui a bénéficié des services d'un entraîneur physique pendant cinq mois en prévision du tournage, a éprouvé un malin plaisir à composer son personnage avec sa réalisatrice.

«C'est une fille qui a un grand décalage entre le senti et le dit, et c'est quelqu'un qui n'est pas bon avec les mots, qui n'a pas de charisme, qui a une pauvreté de langage», a résumé celle que le magazine spécialisé en cinéma Indiewire avait classé parmi les 10 jeunes acteurs à surveiller de près au Festival de Cannes.

Ces caractéristiques ressortent tout au long du film, notamment dans le langage corporel de Sarah. Même sa façon de courir très «scolaire», très «droite», a été soigneusement pensée et chorégraphiée, raconte son interprète.

Et lorsque Sarah trouve en elle la force de bouger ses lèvres et non ses jambes, le résultat n'est pas toujours gagnant. Les échanges avec Antoine, qui l'a accompagnée dans la «grande ville», en témoignent.

«Mon personnage subit un peu des dommages collatéraux de cette passion pour la course. Mais je ne pense pas que (Sarah) est quelqu'un d'insensible qui ne fait pas attention aux autres», a suggéré Jean-Sébastien Courchesne, qui avait tourné sous la houlette de Chloé Robichaud dans Chef de meute, court métrage projeté en sélection officielle l'an dernier à Cannes.

Car Sarah n'aime pas la course par égoïsme pur et simple: elle s'en sert pour fuir vers l'avant, de l'avis des trois artistes rencontrés lors de cette journée de presse.

«Sarah fuit beaucoup ses émotions. Elle les fuit, mais en même temps, elle court vers un but assez précis. C'est un personnage qui se pose beaucoup de questions», a résumé Chloé Robichaud, qui planche déjà sur son prochain long métrage.

La réalisatrice a d'ailleurs déjà recruté Sophie Desmarais et Hélène Florent, qui prête ses traits à la mère de Sarah, pour ce prochain film, Pays, qui explore la vie de trois politiciennes de différentes générations.

Sophie Desmarais, qui a rencontré Chloé Robichaud sur le plateau de tournage du court métrage d'un étudiant en cinéma de l'université Concordia en 2008, ne se fera pas prier pour suivre la cinéaste dans sa nouvelle aventure.

«J'ai eu un grand coup de foudre professionnel (pour Chloé Robichaud). Pour moi, c'est une grande rencontre de confiance et de complicité entre un acteur et un réalisateur. Je ne doute pas d'elle une seconde. Je fais confiance à son regard sur moi - elle voit tout, Chloé. Elle est exigeante et très intransigeante dans ses choix.»

Comme quoi Sarah n'est pas la seule fille déterminée à avoir des objectifs bien précis en tête.

Sarah préfère la course sortira en salles le 7 juin au Québec.