Dans les petites histoires se trouvent souvent les grandes tragédies. Pour alimenter son premier long métrage, La cicatrice, Jimmy Larouche a puisé dans l'histoire de l'enfant qu'il a été et qui a souffert.

Lorsque Jimmy Larouche a présenté son film La cicatrice en première mondiale à Pusan, en Corée du Sud, il ne se doutait pas de la portée universelle de son histoire.

«La traductrice qui m'accompagnait à la première projection a amené sa mère le second soir. Celle-ci pleurait à la fin du film. Elle avait compris pourquoi sa fille avait insisté pour l'amener. Là-bas, les parents misent beaucoup sur la performance de leurs enfants et cette mère a vu les effets que cela pouvait avoir.»

Ces effets peuvent être terribles pour ceux qui portent le poids de la performance, mais aussi celui des railleries de leurs pairs. C'est ce qui nourrit La cicatrice, dont Larouche a écrit le scénario en puisant dans sa propre histoire.

Petit, ce natif de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean a eu un problème de surpoids. Il a usé de ses poings pour faire taire ceux qui se moquaient de lui à l'école. L'amour de sa famille l'a aussi aidé à s'en sortir. Mais les stigmates sont demeurés longtemps.

Campé dans la même région, son film aborde la relation dominant-dominé entre Paul (Patrick Goyette) et Richard (Marc Béland), deux hommes qui se connaissent depuis l'enfance, le premier écrasant perpétuellement le second pour mieux s'affirmer.

Banal? Répandu, sûrement. Mais jamais banal.

«Ce qui peut paraître un petit drame de la vie est une tragédie pour Richard, glisse Marc Béland en entrevue. Ce qui lui est arrivé a complètement hypothéqué sa vie sentimentale et affective. De l'extérieur, on peut se demander si on peut faire un film avec ça. Oui! Parce que les petites tragédies du quotidien ne sont pas petites. Pour ceux qui les vivent, elles sont bouleversantes.»

Tant son partenaire de jeu Patrick Goyette que lui soulignent que le fond de telles histoires n'est jamais manichéen. Il faut sonder l'âme en profondeur pour savoir de quoi sont faits les individus.

«Ce que j'aime dans ce film est que ce n'est pas uniquement une histoire de bourreau, dit Patrick Goyette. On voit que Paul a aussi été intimidé par son père. Dans la courbe dramatique du personnage, ça permet de ne pas juste jouer dans un registre. À la fin, on voit aussi sa part de vulnérabilité. C'est intéressant d'avoir cette possibilité de montrer un côté plus humain.»

Jimmy Larouche abonde. «Je n'aime pas faire des films avec des bons et des méchants. Je ne crois pas à ça. On ne peut pas juste montrer les choses sous l'angle de la victime. Il faut aussi comprendre ce que le bourreau a vécu. Sinon, on n'avance pas.»

Univers des peintres

Jimmy Larouche fait des films depuis l'adolescence. Il a signé plusieurs courts métrages. Il a de nombreux maîtres: Tarkovski, Bergman, Aronofsky, Paul Thomas Anderson, Kubrick, etc. Mais c'est bien ailleurs qu'il a trouvé la lumière appropriée pour éclairer son histoire.

«Mon film a beaucoup plus été influencé par la peinture, dit-il. Le directeur photo Glauco Bermudez et moi nous sommes inspirés de la période clair-obscur de Rembrandt, d'Edward Hopper, de Francis Bacon, etc. Je suis très pictural dans mon approche. Faire un film, c'est comme peindre une toile. Je trouve limitatif de se comparer à d'autres cinéastes. Je trouve plus simple de m'inspirer d'autres formes d'art. C'est alors plus facile de trouver sa signature.»

Sa signature, Jimmy Larouche l'a forgée dans sa détermination. L'homme a porté ce projet à bout de bras. Et encore aujourd'hui, il distribue lui-même son film. Qui a tout de même trouvé preneur dans 15 salles pour son week-end de sortie. On a vu bien pire!

La cicatrice prend l'affiche le 12 avril.

Ils ont dit...

« J'ai voulu faire un film avec un événement réunissant deux personnages tout en écrivant à partir de quelque chose que je connaissais. J'ai pensé à ce que j'avais vécu enfant, un fait aussi simple que celui d'être gros. Même si je me suis sorti relativement jeune de ce problème de poids, ça m'a marqué, m'a suivi très longtemps. »

- Jimmy Larouche, réalisateur

« Pour avoir travaillé dans plusieurs projets de cinéma d'auteur, je sais qu'il faut être très déterminé pour faire un film. Jimmy est investi depuis longtemps dans ce projet et maîtrise son univers. Malgré une part de préparation, je me suis laissé porter par sa drive. Mon travail est de m'imprégner de cet univers et de rester ouvert et disponible à celui-ci. »

- Patrick Goyette, interprète

 

Photo Marco Campanozzi, La Presse

Le scénario de Jimmy Larouche creuse la relation dominant-dominé que vivent depuis l'enfance Paul (Patrick Goyette) et Richard (Marc Béland).