Il aura fallu huit ans à Yan Lanouette Turgeon pour porter au grand écran Roche papier ciseaux, son tout premier long métrage. Après une série de courts, le réalisateur et coscénariste se lance dans la cour des grands avec un film mettant en vedette Roy Dupuis, Samian, Roger Léger et Remo Girone, dont les personnages partagent tous le même cauchemar: un chef des triades chinoises montréalaises sadique et sans scrupules qui a besoin d'une transplantation cardiaque.

Boucane est un jeune autochtone qui prend la route à partir du Grand Nord pour tenter sa chance à Montréal. Sur son chemin, il devient le chauffeur de Norm, ancien caïd relégué à l'exécution de sales petits boulots. Lorenzo veut réaliser la dernière volonté de sa femme et aller en Italie. Sans ressources, il accepte de participer à une roulette russe version pharmaceutique, un jeu cruel destiné à divertir la pègre. Radié de l'ordre des médecins, Vincent travaille désormais pour les triades et est sur le point de devenir père. Ces hommes tenteront un soir d'éclipse lunaire de renverser la donne et de redevenir maîtres de leur destin.

Cette fable noire a été pensée par Yan Lanouette Turgeon et son complice André Gulluni après qu'ils eurent travaillé ensemble sur Papillons noirs et Le revenant, deux courts métrages qui ont remporté les honneurs dans de nombreux festivals.

«André m'est arrivé avec le titre et on voulait en faire trois histoires indépendantes les unes des autres qui se rejoindraient grâce à leurs personnages secondaires. Mais on s'est vite rendu compte qu'on pouvait en faire un seul et même film en travaillant fort sur le scénario», explique Yan Lanouette Turgeon.

Huit ans plus tard, le réalisateur se réjouit de l'appui des institutions qui ont accepté de le financer, en grande partie grâce au soutien de Roy Dupuis.

«C'est du cinéma avec de l'audace, de la poésie et de vraies images cinématographiques. Ce sont de beaux personnages et une maudite belle histoire! Quand je tombe sur un bon film de cinéma d'auteur, j'utilise mon nom pour que le projet se fasse», lance Roy Dupuis, qu'on pourra voir dans L'autre maison de Mathieu Roy et qui tournera dans Rest Home, film du réalisateur mexicain Michael Rowe.

Séduit par le scénario, le comédien accepte donc le rôle de Vincent, homme très effacé et ordinaire qui n'est plus capable d'assouvir les désirs sadiques de ses patrons de la pègre. «Il veut juste disparaître! Il rumine, cherche une porte de sortie, s'efface, mais il a aussi une amoureuse qui attend un enfant, alors il doit survivre», explique Roy Dupuis.

Si Yan Lanouette Turgeon avoue avoir construit le personnage de Boucane en s'inspirant de Samian et pensé tout de suite à Roger Léger en écrivant celui de Norm, il est tombé sous le charme de Remo Girone, qu'il a passé en audition en France pour le rôle de Lorenzo.

«Dès que j'ai vu entrer Remo, j'ai su que c'était lui. Sa femme, la comédienne Victoria Zinny, est venue lui apporter les DVD des films qu'il avait déjà faits. J'ai demandé à tourner un essai avec eux, et j'en ai encore des frissons tellement j'avais les yeux humides en les regardant donner vie à mes personnages!», dit le réalisateur.

Trois hommes, trois tons

Roche papier ciseaux est un film dont on découvre les trois personnages principaux en trois temps, dans trois univers et trois tons bien différents.

«On a essayé de passer d'un univers à l'autre avec le plus de fluidité possible. Ç'a sans doute été l'un des plus grands défis», précise le réalisateur.

Yan Lanouette Turgeon n'hésite pas à parler de l'influence de nombreux grands réalisateurs du septième art dans Roche papier ciseaux, comme celle des frères Coen ou du Coréen Park Chan-wook.

«C'est un amalgame de plein d'influences: Old Boy [Palme d'or à Cannes] dans la manière de traiter les triades asiatiques, Amores Perros sur le plan structurel, mais il y a aussi un peu de Jean-Pierre Jeunet dans la portion Papier du film», conclut-il.

Roche papier ciseaux, présenté en ouverture des Rendez-vous du cinéma québécois et en salle le 22 février.