Pour son deuxième long métrage de fiction, la réalisatrice Nathalie St-Pierre aborde un sujet très proche du quotidien: les enfants des familles d'accueil. Couronné à Angoulême, Catimini est le seul film québécois en compétition de la Sélection internationale du Festival du nouveau cinéma (FNC).

Le commun des mortels est choqué à la vue de très jeunes enfants violentés, négligés et exclus. Mais ce sentiment se métamorphose en intolérance, en impatience ou même en peur lorsqu'il s'agit d'adolescents à problèmes. Pourtant, ce sont bien souvent les mêmes enfants!

Ce n'est donc pas sans raison si Catimini, le nouveau film de Nathalie St-Pierre (Ma voisine danse le ska), s'ouvre sur l'image d'un poupon en pleurs pour ne jamais revenir en arrière. Dans les quatre-vingts minutes suivantes, le spectateur suit le parcours de quatre fillettes à différents stades de l'enfance, mais unies par la même absence de cellule familiale stable et aimante.

Ces quatre personnages sont des enfants de la DPJ et des familles d'accueil. Elles traînent leur vie dans des sacs-poubelles et vivent sur des sièges éjectables souvent actionnés après quelques incartades.

Doit-on y voir une charge contre la DPJ ou les familles d'accueil? Pas du tout, répond Nathalie St-Pierre, interrogée au Festival international du film francophone de Namur. «Ce n'est pas un film militant, mais j'avais envie de proposer cette vision des choses par les yeux des enfants», exprime-t-elle.

Il y a tout de même chez elle une volonté de regarder les choses en face. «Oui, c'est une fiction, mais je voulais que le spectateur ait une impression de vérité. Mon but n'était pas que les gens sortent en disant: Ah! Pauvres quatre petites filles! Des enfants comme elles, ça existe.»

La réalisatrice, qui a côtoyé plusieurs enfants de la DPJ tant durant son enfance qu'à l'âge adulte, indique que le sujet lui trottait dans la tête depuis longtemps. Mais elle ne savait pas comment l'aborder. Jusqu'à ce qu'elle découvre la «structure narrative» adéquate, à savoir suivre une période de la vie de quatre enfants à des âges différents. Sans que cela soit affirmé, on devine assez facilement que le personnage de la plus âgée, celle qui s'apprête à entrer dans l'âge adulte, est le miroir de Cathy, la plus jeune.

«Dans mon film, et dans la vie en général, la plupart des gens ont une empathie spontanée pour la douleur des très jeunes enfants. Mais on ne réalise pas que les très jeunes enfants violentés vont développer toutes sortes de problèmes de comportement. Or, lorsqu'ils vieillissent, ces problèmes ne sont pas tolérés.»

Déjà un prix

Mettant en vedette Isabelle Vincent, Roger Larue et Émilie Bierre dans le rôle de Cathy, Catimini a été présenté en première mondiale en août au Festival du film d'Angoulême, en France. Le jury lui a remis le «Valois d'Or» du meilleur long métrage. De quoi enchanter le distributeur Armand Lafond (Axia Films).

«Je trouvais qu'il y avait une très bonne histoire, une force, des caractères de personnages extraordinaires, dit-il. Je l'ai envoyé à Dominique Besnehard (directeur du festival) qui m'a dit: «C'est du Maurice Pialat!»»

Cet automne, Catimini ira aussi à Londres, à Paris et en Allemagne. Il sortira le 18 janvier en salle au Québec.

Nathalie St-Pierre reconnaît que le film ne fera pas l'unanimité. «Ce n'est pas facile d'être une famille d'accueil, dit-elle. Elles ont peu de reconnaissance, toutes les responsabilités et aucun droit.»

D'ailleurs, pour elle, il y a des notes d'espoir dans son long métrage. Certaines des filles vont s'en sortir. Parce qu'elles ont reçu de l'amour. «Dans Le gamin au vélo des frères Dardenne, le petit garçon est tiré d'affaire, soutient-elle. Il va faire un peu de délinquance à l'adolescence, mais parce qu'il est aimé et choisi, j'ai la conviction qu'il va s'en sortir.»

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Ce soir à 20 h et le mercredi 17 octobre à 16 h 50 à l'Excentris.