Assis au bar du Rialto, Antoine Bertrand dévore 1 kg de viande. Il a la bouche pleine et du gras sur la moustache, mais ça ne l'empêche pas de répondre aux journalistes qui ont assisté hier au tournage du film Louis Cyr au vieux théâtre de l'avenue du Parc.

«Louis Cyr mangeait pas mal plus de viande que ça, dit-il en se léchant les doigts. Au moins 10 livres par jour!»

L'ancien Bougon est visiblement de bonne humeur. Après avoir été reporté pendant plusieurs années, le film sur le célèbre homme fort québécois est enfin sur les rails. Et c'est lui, comme prévu, qui tient le rôle-titre.

Casting évident, diront certains. À 2 po et quelques livres près, Louis Cyr et Antoine Bertrand ont le même gabarit. Mais il a quand même fallu se préparer en conséquence. Tout l'été, avec l'aide de l'homme fort Hugo Girard, le comédien a suivi un programme d'exercice soutenu pour gagner du muscle. Idem pour son alimentation, qui se résume désormais au steak et aux légumes.

Pour la préparation psychologique, c'est une autre histoire. Si les tours de force de Louis Cyr sont documentés, on en sait beaucoup moins sur le «jardin intérieur» de ce fils de cultivateur devenu bête de cirque internationale sur la seule base de sa force herculéenne.

Antoine Bertrand est convaincu que l'homme n'était pas un gros «parleux», mais plutôt un «faiseux». Il croit en outre que son parcours de vie a grandement influencé sa personnalité. Né dans une famille pauvre qui avait immigré aux États-Unis, Louis Cyr avait probablement des complexes liés à sa «race» canadienne-française et à son manque d'instruction.

Dans le film, on insiste notamment sur le fait que le célèbre homme fort était analphabète - une ironie si on considère sa fortune subite et les milieux quasi aristocratiques qu'il a fini par fréquenter. Ce contraste est l'un des fils conducteurs du scénario de Sylvain Guy, lui-même inspiré de la biographie de Paul Ohl.

Louis Cyr sera réalisé par Daniel Roby (Funkytown) avec un budget de 8 millions.

Selon le réalisateur, qui passe de l'époque disco à celle des grelots, le plus grand défi est de boucler le film dans les délais d'une production québécoise (à peine un mois!) - une folie compte tenu de l'ampleur du projet. Non seulement Louis Cyr est un film d'époque, mais il est rempli de tours de force impossibles à reproduire par un être humain normalement constitué.



Dans les deux cas, les effets spéciaux permettront de faire des miracles, que ce soit pour gommer des bouts de décor non désirés (en ville, surtout), pour gonfler des foules ou pour aider Antoine Bertrand à accomplir les exploits de Louis Cyr. C'est le cas du fameux backlift, qui consistait à porter jusqu'à 3500 lb de charge humaine sur son dos. «Même les hommes forts d'aujourd'hui ne lèvent pas plus de 2000 lb, souligne M. Roby. C'est vraiment le truc qui a fait de Louis Cyr une vedette.»

Devoir de mémoire

Le tournage de Louis Cyr se poursuit jusqu'en novembre. Les scènes londoniennes seront tournées dans le Vieux-Montréal et dans certains bâtiments de l'Université McGill. On tournera aussi à Sorel (pour l'épisode américain) et à Rougemont pour les scènes de campagne.

Outre Antoine Bertrand, le film met en vedette Amélie Grenier (la mère de Louis Cyr), Rose-Maïté Erkoreka (la femme de Louis Cyr) et Gilbert Sicotte, dans le rôle de Lambert, premier imprésario de Louis Cyr.

«Y a des bouts où je pensais que ce film ne se ferait jamais, conclut Antoine Bertrand. Mais avec ou sans moi, c'était important qu'il se fasse. Pourquoi? Parce qu'il commande un devoir de mémoire. Mémoire de ce qu'il a accompli, du temps où il l'a accompli et, surtout, de ce qu'il représentait pour son monde. C'était un porteur d'eau et il est devenu l'homme le plus fort du monde...»

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Sortie prévue à l'été 2013.