Plusieurs films québécois ont traité de la condition masculine et de la figure du père au cours des dernières années. Le premier film de Paul Barbeau, Après la neige, marche dans ces traces encore fraîches. Il le fait autant sur la pointe des pieds qu'avec un sentiment d'urgence.

Paul Barbeau est inquiet, préoccupé. Rien à voir avec le fait qu'il ait perdu sa compagnie de vidéoclips, Nú Films, il y a moins de trois ans. Au contraire, le producteur devenu cinéaste pense aujourd'hui qu'il y a trop de films, trop d'images dans nos vies. Celui qui a dû travailler sur des millions de plans dans sa carrière s'inscrit maintenant dans la durée, la respiration, la réflexion.

«Nous sommes bombardés d'images numériques, avoue-t-il. J'ai voulu faire un film qui laisse le spectateur libre, lui donne du temps et lui permet de s'insérer dans le récit. Je voulais faire émerger des états d'âme, créer des atmosphères.»

Après la neige donne le temps au temps. S'y insère un silence lourd et obsédant dans ce court long métrage racontant l'histoire d'un producteur de vidéoclips qui perd sa compagnie et tente de recoudre sa vie en renouant avec son fils, fuyant, et son père, malade.

«Les silences sont parfois plus violents que les cris, fait remarquer l'artiste qui vient de célébrer son 41e anniversaire. Mon film dresse un triste constat de la psyché masculine au Québec. Les choses ne changent pas vite, mais je crois qu'elles changent quand même.»

Même si l'on peut croire à une fiction autobiographique en voyant le cinéaste interpréter le personnage principal, qui n'est pas sans rappeler sa propre vie professionnelle, Paul Barbeau se fait presque rassurant.

«Ça fait partie de ma vie, dit-il. J'ai voulu m'exprimer à propos de quelque chose que j'ai vécu. Mais dans la vraie vie, mon père est en pleine forme et mon fils n'a que huit ans. Ce n'est pas un adolescent en crise.»

Urgence de dire

Au-delà des considérations personnelles, les raisons qui ont amené Paul Barbeau à passer de producteur à réalisateur renvoient davantage à un besoin profond relié à la filiation: le chemin à emprunter et la trace à laisser. Il dit ne pas tenir au titre de cinéaste, encore moins à celui de comédien, mais il ressentait l'urgence de dire.

«Au départ, j'ai voulu faire un film pour ma mère, confie-t-il. Mais j'ai appris à faire un film pour moi. Après la neige, c'est un geste intense et je l'assume avec toutes ses qualités et ses défauts.»

Il pourrait reprendre la chaise de cinéaste si une nouvelle urgence venait à lui. Pour l'instant, il continue de porter l'urgence des autres. Après Jo pour Jonathan et Roméo Onze, il sera bientôt aux côtés de Sébastien Rose pour présenter Avant que mon coeur bascule. Paul Barbeau s'active à faire vivre le cinéma indépendant d'ici. Mais il reste inquiet.

«Est-ce qu'il y aura encore des spectateurs au cinéma dans 20 ans? J'ai vu disparaître l'industrie du vidéoclip, est-ce que ça peut arriver au cinéma? On assiste à la mort de la pellicule. Qu'est-ce qui en restera?»

En ira-t-il autant des humains, sommes-nous que des numéros? pourrait-il ajouter. Au grand écran, le titre de son film apparaît avec une succession de 0 et de 1. Un peu plus de 70 minutes plus tard, Après la neige se termine, en silence, mais sur une note d'espoir, comme une promesse.

Paul Barbeau ressentira sans doute une nouvelle urgence. Pour ne pas disparaître.