C’est une campagne savamment orchestrée que la sortie de la deuxième partie du film Dune de Denis Villeneuve à l’automne. Ayant réussi avec brio à installer l’univers très complexe de Frank Herbert au grand écran, réputé pour être inadaptable, et ce, dans un premier film sans point culminant, le cinéaste promet de nous en mettre plein la vue pour la suite. Le film ne se terminait-il pas sur ces mots de Chani (Zendaya) disant à Paul Atréides (Timothée Chalamet) : « Ce n’est que le début » ?

Tous les fans finis des romans de Frank Herbert savent ce qui s’en vient, et trépignent d’impatience, tandis que depuis une semaine, la production distille au compte-goutte les images de Dune : Part Two (Dune : Deuxième partie), notamment celles de Florence Pugh en princesse Irulan et d’Austin Butler dans le rôle de Feyd-Rautha. On a mobilisé la base des adeptes en faisant du dévoilement de la bande-annonce un évènement. Elle avait été présentée en exclusivité aux chanceux lors du CinemaCon à Las Vegas la semaine dernière, et les détails ont été rapportés dans de longs articles du Hollywood Reporter ou de Vanity Fair qui n’ont fait qu’augmenter les attentes.

Un peu brimé par les contraintes de la pandémie dans sa première réalisation, Denis Villeneuve a eu les coudées franches pour créer un « film de guerre épique » entièrement tourné en pellicule IMAX. Et on n’en attend pas moins, puisque Dune est une épopée aux dimensions mystiques.

PHOTO CHRIS PIZZELLO, INVISION, ASSOCIATED PRESS

Denis Villeneuve avec Zendaya et Timothée Chalamet lors du CinemaCon 2023, le 25 avril, à Las Vegas

Elle est enfin disponible, la bande-annonce qui m’a donné la chair de poule et qui me force à compter les dodos avant le 3 novembre !

Au cœur de ce hors-d’œuvre qui annonce un chef-d’œuvre (j’ai tellement foi en Villeneuve sur ce projet que je n’ai pas de doute) : la chevauchée du ver des sables (Shai-Hulud) de Paul Atréides, maintenant devenu Muad’Dib. Un passage obligé pour devenir le leader du mystérieux peuple Fremen qui l’aidera dans sa vengeance contre ceux qui ont voulu éliminer sa famille. Depuis des siècles, les Fremen vivent avec le rêve d’un prophète venu d’ailleurs qui transformera l’aride planète Arrakis, aussi nommée Dune. Mais pour cela, il y aura une guerre sainte et des flots de sang. Dans la bande-annonce, on peut voir toute l’émotion dans les visages de Chani et de Stilgar qui voient s’accomplir la prophétie sous leurs yeux (et pour les fans de Dune, leur grand rêve cinématographique).

Excitée comme une puce, je casse les oreilles de mon entourage avec mon enthousiasme. Que le jeune homme qui a remporté la Course Europe-Asie en 1991 soit rendu là me renverse, quand on pense qu’Alejandro Jodorowsky et David Lynch ont été déçus par l’aventure. Après avoir vu le premier film avec mon meilleur ami amateur de science-fiction lui aussi, nous étions sortis du cinéma dans un état de lévitation extrême, et il était tombé à genoux dans le stationnement en criant : « Denis Villeneuve ! Un Québécois, Tabar… k !!! » Deux dingues de Dune, je vous jure.

Ce qui m’émeut particulièrement est que l’adaptation de Dune au cinéma ne peut pas tomber à un meilleur moment de la culture contemporaine, car ses thèmes ont une résonance encore plus grande aujourd’hui qu’à l’époque où les romans ont été publiés.

L’histoire se déroule environ 20 000 ans après notre ère, alors que l’humanité a colonisé d’autres planètes, dans un système néo-féodal où de grandes familles se disputent le pouvoir, et en particulier la planète Dune, qui est le seul endroit où l’on trouve ce qu’il y a de plus précieux pour tous : l’épice. L’environnement, la politique et la religion continuent de façonner le destin de l’humanité qui arrive à une nouvelle croisée des chemins avec Paul Muad’Dib. Si vous avez lu les romans, vous savez qu’elle n’est pas rendue au bout de ses peines.

Ce monde imaginé par Herbert est né d’une guerre atroce qui n’est qu’évoquée dans le roman : le Djihad butlérien. Dix mille ans plus tôt, l’humanité s’est révoltée pour annihiler les machines pensantes qui l’asservissaient. Nous sommes donc dans un monde qui respecte cette règle : « tu ne feras point de machine semblable à l’esprit de l’homme ». Dix mille ans après, l’humanité a connu une évolution fascinante, développant des capacités mentales et psychiques stupéfiantes, sans pour autant avoir perdu toutes les passions et les peurs qui font l’être humain. Ce qui explique pourquoi l’œuvre de Frank Herbert se distinguait dans le rayon de la science-fiction : les machines et ordinateurs éliminés (sans pour autant exclure certaines technologies), nous sommes beaucoup plus dans le domaine de la pensée.

L’adaptation de Dune par Denis Villeneuve nous arrive au moment même où nous craignons les conséquences innombrables de l’intelligence artificielle sur une planète menacée par le dérèglement climatique, pendant que les GAFAM commencent à avoir plus de pouvoir que les États. J’ose penser que dans ce contexte où les dangers sont nombreux, il nous reste encore le pouvoir transformateur de l’imagination. Voilà pourquoi Dune est une histoire de notre temps. Et comme le dit la bande-annonce : « longue vie aux combattants » !

La sortie de Dune : Deuxième partie est prévue le 3 novembre.