Il n’y a rien de surprenant à ce que Radio-Canada torpille le Gala Québec Cinéma, qui gaze systématiquement ses braves téléspectateurs et qui dégringole dans les cotes d’écoute depuis 2018.

Ambiance glaciale dans la salle, textes pauvres, trophée laid, animation inconstante, films nommés au rayonnement confidentiel, numéros de présentation ennuyeux, cette cérémonie donne zéro le goût de se précipiter dans une salle près de chez nous. Zéro comme dans Ouellet.

À l’interne, l’organisation de cette fête vire souvent à l’affrontement et aux tiraillements, me soufflent des espions. Et après les minces cotes d’écoute de 468 000 irréductibles, qui ont été mesurées en juin dernier, Radio-Canada a expédié le Gala Québec Cinéma au cimetière des cérémonies décédées aux côtés du gala des Masques et de la soirée Artis. Repose en paix, tibia de RoboCop argenté.

Pour comprendre la débandade des prix Iris, il faut d’abord parler d’argent. Radio-Canada débourse la majorité des coûts du gala, mais ne possède pas le contrôle absolu sur le contenu qui aboutit en ondes. C’est l’association professionnelle Québec Cinéma, un organisme similaire à l’Académie des Gémeaux ou à l’ADISQ, qui tire les ficelles et qui en mène très large, me dit-on.

Selon une source radio-canadienne, « les associations professionnelles jouent de grosses games de pouvoir et pensent qu’en raison de son mandat culturel, Radio-Canada doit leur obéir au doigt et à l’œil ».

Des discussions sur les prix à remettre en ondes, l’ordre de présentation des trophées, le degré d’acidité des textes de l’animatrice, le mode de scrutin, les références aux films en lice ou le choix du lauréat de l’hommage, chacun des éléments du gala génère de la tension. Bref, c’est un paquet de trouble pour un gala que le public boude.

Également, deux visions opposées se cognent pendant l’élaboration des festivités. Radio-Canada conçoit le gala du 7e art comme une grande émission de télé de variétés, divertissante, populaire et accessible, tandis que Québec Cinéma y voit une vitrine, plus pointue et « corporative », pour exposer le travail de ses artisans.

« Faire un gala pour l’industrie et faire un show de variétés qui veut rejoindre le plus de monde, ça nous amène à faire des compromis. Et oui, le compromis finit par faire un show beige », m’a confié la directrice générale de la télévision de Radio-Canada, Dany Meloul.

Chez Québec Cinéma, la directrice générale, Sylvie Quenneville, admet, elle aussi, que la coproduction du gala comporte « des enjeux complexes et difficiles ». « Nous représentons l’industrie, alors que Radio-Canada a des enjeux de variétés », remarque-t-elle.

Et oui, ça arrive que les conversations se corsent et surchauffent. « Mais les discussions de fond sur l’évènement ne sont pas négatives. Ce n’est pas malsain pour nous », indique Sylvie Quenneville en entrevue téléphonique.

Alors que Louis-José Houde et Véronique Cloutier assurent une continuité et un gage de qualité à l’ADISQ et aux Gémeaux, le Gala Québec Cinéma change de capitaine tous les deux ans.

Depuis 2012, le rôle de présentateur a été confié à Sylvie Moreau et Yves P. Pelletier, à Rémy Girard, à Pénélope McQuade et Laurent Paquin, à Pénélope McQuade et Stéphane Bellavance, à Guylaine Tremblay et Édith Cochrane, ainsi qu’à Geneviève Schmidt.

C’est long, mettre un gala à sa main. En 24 éditions depuis 1999, personne de notre showbiz n’a réussi cet exploit.

Pour 2023, une partie du Gala Québec Cinéma intégrera le talk-show Bonsoir bonsoir !, comme en 2020, pendant la pandémie. La patronne des variétés de Radio-Canada, Sophie Morasse, a aussi demandé aux magazines Retour vers la culture et Culturama de bonifier leur contenu cinématographique. Également à la grille 2023 de Radio-Canada : une émission spéciale d’une heure dédiée au cinéma d’ici, dont les contours se dessinent présentement.

Devant 1 023 000 téléspectateurs à Tout le monde en parle dimanche soir, l’acteur Émile Proulx-Cloutier a noté — avec justesse — que le Gala Québec Cinéma ne représentait qu’un maillon dans la grande chaîne de promotion et de diffusion du cinéma québécois.

Ce maillon faible a cédé. Peut-on blâmer les téléspectateurs de ne pas se pâmer devant un gala qui célèbre des œuvres qu’ils n’ont pas visionnées ? Bien sûr que non.

Oui, mais, oui, mais, le gala du cinéma sert justement à faire découvrir des films qui ont glissé sous le radar, non ? C’est faux. Rendu à la diffusion du gala, il est trop tard pour jouer aux éclaireurs.

Si le public ne connaît aucun titre parmi les grands finalistes, c’est évident qu’il va zapper ailleurs. Pourquoi regarde-t-on ces cérémonies pailletées, au final ? Pour s’amuser à prédire les gagnants, pour participer à un pool avec des amis, pour vibrer en entendant des remerciements inspirés, bref, pour tous ces moments qui ont été absents du Gala Québec Cinéma dans les dernières années.

Cotes d’écoute du Gala Québec Cinéma

2017 : 583 000

2018 : 720 000

2019 : 600 000

2020 : pas de diffusion

2021 : 451 000

2022 : 468 000