Le Festival de Cannes avait laissé entendre que sa 75édition ferait plus de place aux femmes, après avoir remis l’an dernier la Palme d’or à Titane de Julia Ducournau, qui mettait en scène Agathe Rouselle et une vieille Cadillac. Mais il n’y aura que trois réalisatrices en compétition sur la Croisette, du 17 au 28 mai prochains. Sur 18 cinéastes. C’est mieux que deux, une seule, ou pas du tout, mais moins que les quatre de l’an dernier. C’est surtout, comme on dit à Juan-les-Pins, pas « les gros chars ».

Rappelons, pour mémoire, que les femmes constituent la moitié, un peu plus même, de l’humanité. Et que le Festival de Cannes, critiqué depuis des années pour son manque de représentation féminine, promet chaque fois de redresser la barre. Paroles, paroles… Sur les quelque 2200 films de cinéastes de 155 pays soumis aux programmateurs, il n’y en avait que 3 de réalisatrices qui valaient une sélection en compétition, semble-t-il.

Les amandiers de la Française Valéria Bruni Tedeschi (en compétition à Cannes en 2013 avec Un château en Italie) met en vedette Louis Garrel et a été inspiré par le regretté cinéaste et metteur en scène Patrice Chéreau (La reine Margot).

Stars at Noon, un film américain de la Française Claire Denis (Beau travail), est « à la lisière du polar diplomatique » selon la description qu’en a faite jeudi en conférence de presse le délégué général du Festival, Thierry Frémaux. C’est seulement sa deuxième présence en compétition à Cannes depuis Chocolat, en 1988.

L’Américaine Kelly Reichardt (Meek’s Cutoff) présentera enfin Showing Up, sa quatrième collaboration avec la comédienne Michelle Williams.

Membre du jury de la compétition cannoise en 2019, Reichardt avait présenté son précédent film, le brillant First Cow, à la Berlinale en 2020.

Il y aura une place en compétition pour le cinéaste dissident russe Kirill Serebrennikov, qui a quitté la Russie après l’invasion de l’Ukraine. Il n’avait pu présenter ses deux précédents films en compétition à Cannes, n’ayant pas eu la permission de quitter la Russie. Son film a pour sujet la femme de Tchaïkovski, Antonina Miliukova.

Le plus célèbre des cinéastes ukrainiens, Sergei Loznitsa (Donbass), dont tous les longs métrages précédents ont été présentés à Cannes, proposera The Natural History of Destruction en « séance spéciale ». La section Un certain regard accueillera de son côté le premier long métrage du compatriote de Loznitsa, Maksim Nakonechnyi.

PHOTO CHRIS YOUNG, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le réalisateur canadien David Cronenberg présentera un premier film en huit ans, Crimes of the Future.

Cronenberg très attendu

Très attendu en compétition pour la sixième fois, le Canadien David Cronenberg annonce un premier film en huit ans, que certains voient déjà choquer la Croisette comme l’avait fait Crash, controversé Prix spécial du jury en 1996. « David Cronenberg qui revient, lui aussi, à certaines de ses obsessions », a précisé en conférence de presse le délégué général Thierry Frémaux.

Crimes of the Future, qui n’est pas un remake du film de Cronenberg de 1970 du même nom, met en vedette l’un des acteurs fétiches de Cronenberg, Viggo Mortensen (A History of Violence, Eastern Promises, A Dangerous Method), dans le rôle d’un artiste avant-gardiste qui « met en scène la métamorphose de ses organes dans des spectacles », dont certains veulent profiter « pour révéler au monde la prochaine étape de l’évolution humaine ».

La pré-bande-annonce, dans laquelle on voit aussi la Française Léa Seydoux et l’Américaine Kristen Stewart, laisse entrevoir une œuvre sombre, inquiétante et sulfureuse, aux accents futuristes (comme son titre l’indique), agrémentée de body horror typiquement cronenbergien. Bref, ça promet.

La compétition cannoise accueillera cette année, comme à son habitude, un mélange d’habitués et de nouveaux venus. « Il y a quatre Palmes d’or dans cette compétition », a rappelé Thierry Frémaux : les Belges Luc et Jean-Pierre Dardenne (Rosetta, L’enfant) présenteront Tori et Lokita, un drame sur des réfugiés, le Roumain Cristian Mungiu (4 mois, 3 semaines, 2 jours), proposera RMN, sur la xénophobie, le Suédois Ruben Östlund (The Square) fera de nouveau dans l’humour noir, dit-on, avec Triangle of Sadness, film en anglais avec Woody Harrelson, et le Japonais Hirokazu Kore-eda (Une affaire de famille) mettra en vedette dans Broker la muse du cinéma sud-coréen, le comédien Song Kang-ho (Parasite).

Parmi les autres habitués, on retrouvera le Coréen Park Chan-wook (Decision to Leave), le Français Arnaud Desplechin (Frère et sœur, avec Marion Cotillard et Melvil Poupaud) et l’Américain James Gray, dont le plus récent film, Armageddon Time, mettant en vedette Anne Hathaway, Anthony Hopkins et Jeremy Strong (de la série Succession), est campé à New York dans les années 1980 autour de l’ascension immobilière de la famille Trump. Le Français Olivier Assayas dévoilera par ailleurs en séance spéciale une version télésérie de son long métrage de 1996, Irma Vep (avec Maggie Cheung). Cette fois, c’est Alicia Vikander qui en sera la tête d’affiche.

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Tom Cruise sera à Cannes pour la présentation du film Top Gun : Maverick, de Joseph Kosinski.

Attendus sur le tapis rouge

Présenté hors compétition, c’est le film de zombies Z (comme Z) de Michel Hazanavicius, cinéaste de The Artist, avec Romain Duris et Bérénice Béjo, qui ouvrira le bal le 17 mai. Attendu depuis deux ans sur le tapis rouge du Palais des Festivals, Top Gun : Maverick de Joseph Kosinski devrait être l’un des moments les plus courus par le grand public cannois, grâce à Tom Cruise, 36 ans après le film qui a lancé sa carrière internationale.

L’Australien George Miller, de son côté, changera de registre sept ans après Mad Max : Fury Road, grâce à une fantaisie romantique mettant en vedette Tilda Swinton et Idriss Elba. En musique, en plus de la biographie filmée d’Elvis par Baz Luhrmann, Ethan Coen présentera, sans son frère Joel, un documentaire sur Jerry Lee Lewis et Brett Morgen proposera Moonage Daydream, sur David Bowie.

Les sélections parallèles de la Quinzaine des réalisateurs et de la Semaine de la critique devraient être annoncées la semaine prochaine. Peut-être y trouvera-t-on des cinéastes québécois, absents cette année de la sélection officielle.