Sacré meilleur court métrage documentaire lors de la 91e Soirée des Oscars, Les règles de notre liberté aborde de front pendant 26 minutes un des tabous les plus persistants en Inde comme dans le reste du monde: les menstruations. Coup d'oeil sur les oeuvres qui puisent leur inspiration dans les règles.

Surprise de remporter la statuette dorée, la réalisatrice irano-américaine Rayka Zehtabchi n'en revenait toujours pas que l'Académie ait choisi son documentaire cette année. «Je ne pleure pas parce que j'ai mes règles... Je ne peux pas croire qu'un film sur les règles ait un Oscar!», a-t-elle précisé entre deux sanglots de joie, son trophée dans les mains. «Vous donnez aux femmes du monde entier les moyens de lutter pour l'égalité des règles», a-t-elle renchéri aux côtés son équipe.

Il faut dire que rien n'était gagné d'avance pour le documentaire offert sur Netflix, Les règles de notre liberté. En entrevue dans The Hollywood Reporter, un des membres de l'Académie des Oscars avait déclaré sous le couvert de l'anonymat que même si le film était bien fait, il doutait que les membres masculins du jury votent pour un sujet aussi «dégoûtant».

Une vision des menstruations encore largement partagée à travers le monde, particulièrement en Inde, où se situe le documentaire qui se penche sur le quotidien des femmes d'un village à 60 kilomètres de New Delhi qui se sont embarquées dans la fabrication de serviettes hygiéniques. Toute une aventure dans un pays comme l'Inde où les menstruations sont un véritable frein à l'éducation de nombreuses jeunes filles: 23 millions d'entre elles (selon l'ONG indienne Dasra) abandonnent l'école à la puberté, car elles n'ont accès qu'à des toilettes mixtes et à aucun type de protection pendant leurs règles. 

C'est à un homme, Aranuchalam Muruganantham, aussi surnommé «Pad Man», que les femmes d'une quarantaine de villages doivent une machine leur permettant de fabriquer à moindre coût leurs propres serviettes hygiéniques. Témoin de l'inconfort de sa conjointe lors de ses menstruations - elle utilisait n'importe quel bout de tissu, serviette ou papier brun -, il a eu l'idée de créer cette machine qui devrait permettre à de nombreuses jeunes femmes de vaquer à leurs occupations sans se soucier d'être remarquées par le reste de la société. Pendant leurs règles, beaucoup de femmes se voient interdire de cuisiner ou d'aller au temple. Les règles sont considérées comme impures et sales.

«Après avoir vu ce film, j'espère que les gens vont comprendre que la stigmatisation des règles n'affecte pas seulement l'Inde. Nous l'expérimentons aux États-Unis et dans d'autres cultures», explique Rayka Zehtabchi, réalisatrice du documentaire, en entrevue au magazine Glamour.

Un sujet qui mobilise et inspire

Plusieurs artistes et militantes bousculent les tabous entourant les menstruations. Rien que la semaine dernière, Instagram a été interpellé par l'action d'Irène, étudiante française de 20 ans qui a décidé de ne pas porter de protection pendant une journée durant ses règles et de publier des photos des taches de sang sur ses vêtements sur le réseau social afin de sensibiliser le gouvernement et dénoncer la précarité menstruelle.

Alors qu'une femme utilise en moyenne 10 580 protections périodiques dans sa vie, cela signifie qu'elle dépense entre 2250 $ et 3000 $ en tampons et serviettes. Une situation qu'Irène tenait à souligner par son action visant à promouvoir l'accès gratuit pour toutes aux protections sanitaires.

En 2016, la danseuse et chorégraphe québécoise Daina Ashbee a présenté à La Chapelle Pour, une création explorant la relation complexe des femmes avec leur cycle menstruel. La jeune femme souhaite «lever le tabou sur ces douleurs intimes et les résonances émotives qu'elles suscitent».

Dans sa série Filles de putes et menstruosités, l'artiste plasticienne française Aj Dirtystein a, quant à elle, utilisé de l'acrylique, de l'encre et du sang menstruel pour réaliser des peintures de femmes inspirantes comme Frida Kahlo ou Courtney Love, dénonçant ainsi les limites imposées aux femmes.

Pour l'Américaine Jen Lewis, le sang menstruel devient la substance principale utilisée dans ses créations photographiques. Chaque mois, elle récolte ses règles pour les verser dans un aquarium alors que son conjoint l'aide à photographier les mouvements du sang dans l'eau. Un processus qui a donné naissance à Beauty in Blood, une série féministe de photos qui a pour but de normaliser les menstruations.

L'automne dernier, un documentaire éducatif intitulé 28 jours a également été publié sur YouTube par la réalisatrice française Angèle Marrey et aborde les règles sous toutes leurs facettes : de la pression sociale à la politique en passant par la sexualité, la religion et la santé, le film tente d'aller au-delà des tabous entourant les règles encore aujourd'hui.

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