Même s'il est surchargé de travail, que son statut de finaliste aux Oscars l'oblige à intégrer toutes sortes d'activités mondaines et professionnelles à son horaire, Denis Villeneuve profite à plein de tout ce qui lui arrive à Hollywood. Il aborde la dernière ligne droite de la course en souhaitant tout le meilleur pour son monde.

Ça ressemble un peu à un party entre intimes, celui qu'on organise en famille avant d'aller rejoindre ensuite les grandes fêtes officielles qui illumineront les nuits hollywoodiennes au cours de la fin de semaine. Depuis plusieurs années, les finalistes canadiens de la soirée des Oscars sont célébrés au cours d'une réception organisée conjointement par l'Académie canadienne du cinéma et de la télévision et Téléfilm Canada.

En cette année faste, alors que plusieurs artisans québécois d'Arrival ont été entraînés dans la course, l'événement a eu lieu hier à la Résidence officielle du Canada à Los Angeles. Un gardien en costume de «police montée» était d'ailleurs posté à l'entrée. Vérification faite, il ne s'agissait pas d'un apprenti acteur cherchant à boucler ses fins de mois, comme il en existe tant à Los Angeles, mais d'un vrai policier de la GRC, d'origine québécoise, en poste en Colombie-Britannique depuis quelques années.

Inutile de dire que l'homme le plus attendu à cet événement était Denis Villeneuve. Presque aphone à cause d'un mauvais virus («Ma punition pour avoir fui le Québec l'hiver!», dit-il), le cinéaste québécois, en lice dans la prestigieuse catégorie de la meilleure réalisation de l'année, estime que ce qu'il vit cette année aux Oscars peut difficilement être comparé à l'expérience vécue il y a six ans. Cette année-là, Incendies avait été retenu parmi les cinq productions en lice dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère.

«Honnêtement, je me rends compte que, si je compare avec ce que je fais maintenant depuis des semaines, je n'avais pas fait grand-chose pour Incendies! expliquait-il hier de sa voix enrouée. La saison culmine avec les Oscars, mais auparavant, il y a plein de cérémonies organisées par les associations professionnelles, auxquelles les films étrangers ne participent pas. Avec, toujours, des séances de questions-réponses, des interviews.»

«Dimanche, j'en serai à ma huitième ou neuvième cérémonie, je crois. C'est beaucoup. C'est un emploi à plein temps.»

«Comme je travaille en même temps au montage de Blade Runner 2049, c'est un peu intense. Et un peu dur physiquement. Heureusement, j'ai pu négocier un peu de temps avec les producteurs. Là, toute mon équipe travaille pendant que je suis ici!»

Un film favori

Villeneuve dit être d'autant plus heureux qu'il aura cette fois l'occasion de vivre sa soirée des Oscars avec la petite famille. Ses enfants auront chacun droit à un billet d'entrée pour assister au gala.

«À l'époque d'Incendies, ils étaient trop jeunes. Mais là, je sais qu'ils vont pouvoir en profiter et avoir du fun

Ayant déjà été rompu à l'exercice précédemment grâce à tous les galas des associations professionnelles (sans oublier les BAFTA Awards), le cinéaste entrevoit la cérémonie de dimanche avec enthousiasme et sérénité.

«Je ne suis pas très stressé, dit-il. En vérité, je sens bien ce qui se passe. Dans certaines catégories, ce sera très excitant. Cela dit, en mon for intérieur, je sens aussi qu'un film est déjà consacré à l'avance. C'est ce que je perçois autour de moi. Et c'est correct. Dans les catégories techniques, dans celle du scénario adapté, de la direction photo, je crois que nos chances sont quand même réelles.»

«Moi, j'ai le sentiment qu'on a déjà gagné parce que j'estime qu'avec Arrival, on a "flirté avec le désastre" big time

Mise à part la catégorie du film en langue étrangère, Denis Villeneuve a pratiquement vu tous les longs métrages en lice. Il trouve impressionnante la mise en scène de La La Land.

«Mais Moonlight reste mon film favori», tranche-t-il.

De nombreux finalistes

À cette réception tenue hier, il y avait foule. Et pour cause. Theodore Ushev porte haut et fort les couleurs de l'Office national du film grâce à Vaysha, l'aveugle, finaliste dans la catégorie du court métrage d'animation. Il y affronte notamment Alan Barillaro, animateur d'origine canadienne qui, depuis plusieurs années, travaille au studio Pixar. Piper, l'un des films aussi retenus dans la catégorie des courts métrages d'animation, est d'ailleurs produit par le célèbre studio.

Rappelons également les sélections de plusieurs des artisans québécois d'Arrival: Sylvain Bellemarre dans la catégorie du montage sonore, Claude La Haye et Bernard Gariépy-Strobl dans celle du mixage sonore, Patrice Vermette et Paul Hotte dans la catégorie de la meilleure direction artistique.

Pour Karine Vanasse, invitée hier à cette réception à titre de vedette de la série Cardinal, la consécration de Denis Villeneuve et de son équipe a quelque chose de très émouvant. Rappelons qu'en plus d'y tenir un rôle, l'actrice a produit, avec Maxime Rémillard, le film Polytechnique.

«Ce qui me touche le plus, a-t-elle confié hier, c'est de constater à quel point Denis continue de faire son cinéma à lui. La touche d'humanité qu'il met dans tous ses films depuis le début reste intacte, peu importe la présence des grands studios. J'écoute les acteurs américains parler de lui, toujours en termes très chaleureux, et j'y vois le même respect, le même amour, la même admiration.

«Et puis, dans un film comme Arrival, il y a une vraie densité, avec des couches d'humanité qui s'ouvrent et qui se déploient tout d'un coup. Les réalisateurs qui sont capables de faire ça ne sont pas légion!»

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Les frais de séjour pour ce reportage ont été payés en partie par Téléfilm Canada.

Photo Barbara Doux, collaboration spéciale

Pendant que Denis Villeneuve s'adressait à la foule, un policier de la GRC veillait à la sécurité du finaliste dans la prestigieuse catégorie de la meilleure réalisation de l'année.