Denis Villeneuve est devenu le tout premier cinéaste québécois francophone à obtenir aux Oscars une citation dans la catégorie de la meilleure réalisation, entraînant plusieurs artisans de chez nous à sa suite. Finaliste dans 8 catégories, dont celle du meilleur film, Arrival tirera-t-il son épingle du jeu face à La La Land, établi grand favori avec 14 sélections?

Très tôt hier matin, les portes de la maison qu'habite Denis Villeneuve à Los Angeles se sont ouvertes pour accueillir les membres de l'équipe de Blade Runner 2049. Ce film, l'un des plus attendus de l'année, en est à l'étape du montage et de la postproduction. Il se trouve que, pour la plupart d'entre eux, ces artisans ont aussi travaillé avec le cinéaste québécois pour Arrival (L'arrivée). Inutile de dire que l'excitation était à son comble, les pronostics leur étant déjà très favorables.

«Mais c'est toujours une mauvaise idée de mélanger café et champagne!» a lancé le principal intéressé. À 5 h du matin, peut-être. N'empêche qu'il y avait lieu de se réjouir. Arrival a en effet été cité huit fois. Le film de Denis Villeneuve est en lice dans les trois catégories les plus prestigieuses (meilleur film, meilleure réalisation, meilleur scénario, catégorie adaptation), et plusieurs des collaborateurs québécois du cinéaste auront la chance de mettre la main sur une statuette dorée. Patrice Vermette, déjà nommé il y a sept ans grâce à The Young Victoria, est sélectionné dans la catégorie de la direction artistique. Sylvain Bellemare est retenu dans la catégorie du montage sonore; Bernard Gariépy Strobl et Claude La Haye le sont dans la catégorie du meilleur mixage sonore. Par ailleurs, Bradford Young se distingue aussi pour la direction photo, tout comme Joe Walker pour le montage.

Au cours d'une conférence téléphonique avec les médias québécois, Denis Villeneuve était visiblement ravi, mais il s'est dit quand même déçu de l'absence d'Amy Adams dans la catégorie de la meilleure actrice.

«Honnêtement, je suis surpris que le film ait obtenu autant de nominations, et cela me procure une joie immense, a-t-il déclaré. Mais l'absence d'Amy constitue une grande déception. Si vous m'aviez demandé hier quelles étaient mes attentes, je vous aurais répondu que s'il y avait une catégorie où nous étions certains d'y être, c'était celle-là! On célèbre avec joie tout en ayant le coeur triste en même temps.»

Un honneur rare

Les membres de l'Académie ont tenu à souligner sans équivoque la qualité de réalisation d'Arrival en sélectionnant le film dans la plus prestigieuse catégorie, celle du meilleur film, mais aussi en retenant Villeneuve parmi les cinq meilleurs cinéastes de l'année. Mis à part Mark Robson et Jason Reitman, deux réalisateurs nés à Montréal, mais qui se sont installés aux États-Unis très jeunes, Denis Villeneuve est le premier cinéaste issu du milieu du cinéma québécois à recevoir un tel honneur.

«Je fais du cinéma depuis un bout de temps, mais Arrival est seulement mon troisième film américain. Je ne pensais pas que ça irait si vite.»

«Ce matin [hier], mes attentes étaient quand même élevées parce que dans la presse américaine, le film figurait dans tous les pronostics», précise-t-il.

Même si Arrival est un film américain, Denis Villeneuve estime que l'expertise des artisans québécois - et leur sens de la débrouillardise - ont assuré sa réussite.

«Si je suis ici, c'est premièrement grâce à la formation que j'ai reçue au Québec, grâce à un système qui encourage les auteurs, dit-il. Ensuite, Arrival reste aussi très "québécois". Non seulement le tournage a entièrement eu lieu chez nous, mais c'est aussi au Québec que toute la postproduction a été faite, que tous les effets visuels ont été créés. Si tu enlèves l'argent, les producteurs et les comédiens, tout le reste de ce film est québécois. Je suis tellement fier de ma gang!»

Une compétition très relevée

Ironie du sort, Arrival obtient cette notoriété alors que le cinéaste n'a pratiquement pu assurer aucune promotion lors de la sortie du film, trop occupé alors par le tournage de Blade Runner 2049.

«Quand le syndicat des réalisateurs a annoncé que j'étais en nomination pour le Directors Guild Award, on a alors dit à la blague que les attachés de presse seraient au chômage puisqu'on pouvait obtenir ce résultat sans faire de promotion! lance-t-il en riant. Là, je sais toutefois que les trois ou quatre prochaines semaines seront très intenses. Je sais aussi que la compétition est très forte. Pour moi, être en lice est déjà énorme.»

Il est vrai que la plupart des finalistes risquent, peut-être, d'être emportés par la vague La La Land. Denis Villeneuve sourit à l'idée de voir son ami Ryan Gosling, l'une des vedettes de Blade Runner 2049, monter sur la scène du Dolby Theatre pour cueillir son Oscar.

«Nous nous sommes parlé alors que Ryan est présentement en Chine, indique le cinéaste. Il m'a dit qu'il était heureux de nos sélections respectives, car ça nous donnera l'occasion de nous revoir. Il est vraiment devenu un ami. De mon côté, je n'ai pas l'impression de l'avoir quitté depuis la fin du tournage, puisque je vois Ryan tous les jours dans ma salle de montage. Nous ressentons vraiment une joie profonde, autant l'un pour l'autre, beaucoup plus qu'un sentiment de compétition!»

La 89e soirée des Oscars aura lieu le 26 février.

Filmographie longs métrages

Un 32 août sur Terre (1998) - Festival de Cannes, Un certain regard

Maelström (2001) - Festival de Berlin, Panorama; prix de la critique

Polytechnique (2009) - Festival de Cannes, Quinzaine des réalisateurs

Incendies (2010) - Finaliste, Oscar du meilleur film en langue étrangère

Enemy (2013) - Lauréat de cinq prix Écrans canadiens, dont celui remis à la meilleure réalisation

Prisoners (2013) - Finaliste, Oscar de la meilleure direction photo

Sicario (2015) - Festival de Cannes, compétition officielle; trois sélections aux Oscars (montage sonore, trame musicale, direction photo)