La puissante Académie des Oscars va prendre une série de mesures «historiques» pour s'ouvrir plus aux femmes et minorités ethniques, afin de calmer la polémique autour du manque de diversité de ses membres comme de ses choix cinématographiques.

Après un «vote unanime jeudi», «l'Académie prend des mesures historiques pour augmenter la diversité», notamment en «visant un doublement d'ici 2020 de ses membres féminins ou provenant» de minorités ethniques, d'après un communiqué vendredi.

L'organisation compte actuellement 6261 membres ayant le droit de voter (7152 au total), qui tous travaillent dans divers métiers de l'industrie du film.

«Avec ce doublement, nous espérons que les femmes vont représenter 48 % du total de nos membres (votants), et les minorités ethniques plus de 14 %», a précisé une porte-parole à l'AFP.

Des chiffres qui indiquent que les membres de l'organisation phare d'Hollywood est pour l'instant à 76 % masculine et 93 % blanche.

C'est l'une des premières fois que l'Académie lève le voile sur la composition ethnique et démographique de ses membres, qu'elle tenait jusqu'alors jalousement secrète.

«L'Académie va mener le mouvement et ne pas attendre que le secteur rattrape le retard» en termes de diversité, a déclaré sa présidente Cheryl Boone Isaacs.

Elle-même noire, elle avait déclaré il y a quelques jours avoir «le coeur brisé et se sentir frustrée» par la lenteur des changements dans l'institution.

L'Académie s'est trouvée au coeur d'une ardente controverse et pressée d'agir depuis qu'elle a dévoilé pour la deuxième année de suite une sélection de 20 acteurs exclusivement blancs comme finalistes des Oscars.

Plusieurs personnalités du cinéma ont décidé de bouder la cérémonie de remise de ces prix le 28 février, notamment le réalisateur Spike Lee, qui a reçu cette année un Oscar d'honneur pour sa carrière, ou les acteurs Will Smith et sa femme Jada Pinkett-Smith.

Will Smith fait partie des comédiens noirs éconduits de la sélection des Oscars cette année alors qu'il faisait partie des favoris potentiels grâce à sa performance dans Concussion.

George Clooney avait pour sa part jugé que l'Académie avait régressé ces dix dernières années, d'autres comédiens comme Mark Ruffalo ou Lupita Nyong'o ayant reconnu un besoin de changement au sein de l'Académie et plus largement dans les studios de cinéma et les films qu'ils produisent.

Le vote à vie en question

La réalisatrice Ava DuVernay a été l'une des premières à réagir vendredi sur Twitter: «C'est un bon pas au cours d'un chemin long et compliqué pour les gens de couleur et les femmes artistes».

Toutes ces mesures représentent «un premier pas spectaculaire, mais nous ne savons pas encore si ce sera suffisant», a estimé Tom O'Neil, fondateur du site de prédiction des Oscars Goldderby.com.

Autre changement crucial annoncé vendredi: les nouveaux membres n'auront le droit de vote que pour dix ans et non plus à vie, et ce droit ne sera renouvelé que si les membres ont été actifs au cinéma pendant la décennie en question.

Le droit de vote à vie ne sera obtenu qu'au bout de trois décennies actives dans l'industrie ou après l'obtention d'une nomination ou d'un Oscar.

Tom O'Neil juge que «l'Académie devait se délester de membres votants qui ne sont plus actifs ou des plus vieux qui n'apprécient pas des films branchés comme Straight Outta Compton», film biographique sur le groupe de gangsta-rap N.W.A.

Ce gros succès en salles de l'année n'a pas été retenu dans la sélection pour l'Oscar du meilleur film.

L'organisation la plus puissante du cinéma américain va aussi altérer le processus de sélection de nouveaux membres, centré sur la cooptation, en lançant «une campagne ambitieuse et mondiale pour identifier de nouveaux membres qualifiés représentant une plus grande diversité».

La présidente va aussi nommer directement trois nouveaux membres pour «augmenter la diversité du conseil des gouverneurs».

La polémique sur la diversité avait enflé à Hollywood ces derniers jours, l'acteur Dustin Hoffman dénonçant un «racisme subliminal» aux États-Unis.

Charlotte Rampling, finaliste aux Oscars pour son rôle dans 45 Years, a quant à elle déclaré sur Europe 1 vendredi: «peut-être les acteurs noirs ne méritaient-ils pas d'être dans la dernière ligne droite» pour les Oscars cette année.