Quand il a offert deux heures de son temps lundi pour assurer la promotion du film de Charles Binamé Elephant Song, dont il est la tête d'affiche, Xavier Dolan était loin de penser qu'une déclaration - anodine à ses yeux - allait être relayée en chaîne par les médias européens.

Invité par la journaliste de TVA Isabelle Verge à commenter la non-sélection de Mommy aux Oscars, le cinéaste a fait écho, en cherchant un peu ses mots, à la surprise qu'il a ressentie, d'autant que la vaste majorité des médias spécialisés américains voyaient le film dans la course.

«Que l'on ne soit pas aux Golden Globes, c'est une chose, a-t-il alors déclaré. Mais que l'on ne fasse pas partie des neuf films étrangers de la «short list» pour les Oscars, c'est... comment dire... spécial.»

Au montage, cette déclaration est immédiatement suivie par une autre: «C'est très très ostracisant, puis un peu humiliant. Le film avait l'approbation de l'industrie et des médias américains. Et le distributeur a fait sa job.»

En sous-titre permanent pendant la diffusion du reportage: «Dolan se sent "humilié"».

Cet état d'âme a vite été repris par des médias européens. Partout jeudi, des publications telles que Première, Allo Ciné, Le Figaro, Elle et bien d'autres, ont fait écho à la prétendue «humiliation» ressentie par le cinéaste de ne pas avoir été invité au bal des Oscars.

Joint jeudi par La Presse, Xavier Dolan avait du mal à croire à l'ampleur médiatique qu'avait prise cette déclaration.

«Dans les faits, je suis vraiment passé à autre chose, dit-il. Je travaille sur mes prochains projets et la soirée des Oscars est maintenant loin de mes préoccupations. Mais quand on me pose une question, je réponds. Et là, j'ai simplement tenté d'analyser, de chercher avec la journaliste une explication. En toute sincérité. C'est ce que j'ai toujours fait. Devrais-je maintenant m'autocensurer chaque fois que j'accorde une interview?»

Mauvaise interprétation

D'après lui, cette nouvelle «polémique» est survenue à cause de l'interprétation qu'on fait de ses propos. Et du fait qu'on lui prête des intentions.

«Il n'y a plus beaucoup de place pour la nuance, fait-il remarquer. Certains médias vont monter en épingle une déclaration pour la rendre encore plus spectaculaire. Or, il y a une nuance entre dire «c'est ostracisant, un peu humiliant», et d'affirmer que je suis carrément humilié, que je ne suis pas content, et que je m'en prends aux Oscars. Voyons donc! Que des médias sérieux fassent autant de millage sur une si courte phrase, sans mise en contexte, j'avoue que je ne m'attendais pas à ça. Au début, je ne m'en faisais pas trop, mais là, c'est un déferlement d'articles. La proportion est assez accablante. Et ça fait vite d'une "non-nouvelle" une nouvelle incontrôlable.»

Reconnu pour son approche franche et sans détour, Xavier Dolan n'a jamais utilisé la langue de bois. Mais ces épisodes répétitifs commencent à avoir leur effet.

«J'ai toujours été sincère et spontané dans les interviews, mais là, je me rends compte qu'on interprète souvent mes propos. Je ne sais pas si cela aura une incidence dans ma façon de répondre à l'avenir, mais il est certain que cette histoire m'atteint.»