Philippe Muyl ne connaissait rien à la Chine, ne parle ni cantonais ni mandarin. «Je me suis dit «À mon âge, il est temps que je fasse une folie»». Bien lui en a pris: il se retrouve aujourd'hui à porter les couleurs chinoises pour la course à l'Oscar du meilleur film étranger avec Le promeneur d'oiseau.

«J'aime dire que je n'ai pas fait le film avec mon passeport mais avec mon coeur», a déclaré le cinéaste de 61 ans mardi lors d'une réception au Consulat de France de Los Angeles.

«Je suis très content que la Chine m'ait donné la possibilité de faire ce film et de venir aux Oscars, je n'aurais jamais eu cette opportunité avec un film français», assure le réalisateur de Cuisines et dépendances ou de La vache et le président, lors d'un entretien avec l'AFP.

«Je défends les couleurs de la Chine et j'en suis honoré, mais j'espère surtout que les gens diront que c'est un beau film», ajoute-t-il.

D'après lui, ce dernier a été sélectionné par les autorités chinoises parce que «c'est une coproduction internationale» (franco-chinoise, la deuxième du genre) «et parce que c'est un film qui donne une image positive de la Chine», pays qu'il qualifie de «complexe».

La course pour la précieuse statuette dorée promet d'être ardue: 183 pays sont en compétition cette année pour l'Oscar du meilleur film étranger, un record. C'est Saint Laurent, de Bertrand Bonello, qui représente la France.

Le promeneur d'oiseau, conte familial plein de bons sentiments et d'humour qui magnifie la beauté de la campagne chinoise, suit le voyage d'un vieux villageois veuf et de sa petite-fille citadine trop gâtée.

Il dépeint le choc des cultures entre la Chine rurale et celle des mégalopoles comme Pékin, la course au matérialisme qui se heurte aux traditions. C'est une adaptation chinoise d'un film de 2002 du même réalisateur, Le papillon.

Le long-métrage se veut apolitique. «Je ne voulais pas émettre d'opinion politique d'abord parce que je n'en sais pas assez, ensuite parce que j'étais invité à faire un film en Chine, donc j'accepte les règles. Quand on est invité chez les gens, on ne va pas dire que la nourriture est mauvaise».

«C'est un pays vieux mais à la fois jeune, plein de vivacité, d'énergie, et en même temps où tout tourne autour de l'argent, où on ne respecte pas la nature. Je voudrais bien que les Chinois se rendent compte qu'ils ont un beau pays et qu'il faut le protéger, que les beaux buildings et les belles voitures c'est pas tout ce qui compte dans la vie», explique Muyl.

Le promeneur d'oiseau, qui a bénéficié d'une sortie internationale au printemps, a été tourné en mandarin et français avec des acteurs chinois.

Il est notamment porté par l'adorable Yang Xin Yi. «J'ai vu beaucoup d'enfants mais j'ai parlé 5 minutes avec elle et j'ai su que c'était la bonne», assure Muyl, pour qui travailler avec des enfants n'est pas plus difficile qu'avec des adultes: «Ce sont les rois du texte et de la concentration, ils sont capables de corriger les adultes: «Oh! Là, tu t'es trompé!»», s'amuse-t-il.

Le défi, pour Le promeneur d'oiseau, a été, comme sur tout autre film indépendant, de boucler le budget qui n'a bénéficié d'aucune subvention gouvernementale.

«La productrice chinoise est allée voir son cousin, son ami d'enfance, etc. pour trouver un million d'euros». «C'est comme ça que les Chinois font des affaires», raconte le cinéaste à propos du film qui a coûté au total 2 millions d'euros, dont une grosse partie dédiée à la postproduction en France.

Il travaille à présent au financement d'un nouveau projet qu'il compte tourner en France: «Une histoire d'amour qui se passe en 1975, avec Julie Gayet».