La soirée des Jutra va changer de nom, a confirmé l'organisme Cinéma Québec, mercredi, une décision saluée par le gouvernement Couillard à Québec.

L'organisme qui chapeaute les Rendez-vous du cinéma québécois (RVCQ) et le gala des prix Jutra a décidé de modifier le nom de la soirée à la suite du témoignage d'une victime présumée d'un geste pédophile de la part du cinéaste Claude Jutra, mort en 1986.

Le président de Québec Cinéma, Patrick Roy, en a fait l'annonce à l'occasion d'un point de presse, mercredi après-midi.

Il a précisé que le trophée des années précédentes ne pourra pas être remis cette année et qu'il faudra trouver une solution de rechange rapidement.

Le nouveau nom du gala, qui aura lieu comme prévu le 20 mars prochain, reste à déterminer mais il sera choisi très vite même s'il pourrait s'agir d'une désignation provisoire, a ajouté la directrice générale de Québec Cinéma Ségolène Roederer. 

« Sage décision »

L'annonce a été accueillie favorablement par la ministre de la Culture, Hélène David. En matinée, elle a exhorté Cinéma Québec à renommer le gala des Jutra.

« C'est une sage décision », a résumé Mme David à sa sortie du conseil des ministres, mercredi après-midi.

Elle avait demandé en matinée à la Commission de toponymie de contacter les municipalités qui ont honoré la mémoire du cinéaste de différentes façons, en baptisant une rue à son nom, par exemple. Elle s'est réjouie que des villes aient annoncé leur intention de rayer le nom de l'artiste de leurs lieux publics, notamment Montréal.

Cela dit, la ministre n'empêchera pas la diffusion ou l'enseignement de l'oeuvre cinématographique de Claude Jutra.

« C'est un créateur qui a une oeuvre, a-t-elle dit. Un créateur qui a une oeuvre, ça ne veut pas dire qu'il y a des lieux et qu'il y a des choses qui sont nommées en son nom. Alors les gens feront après ça ce qu'ils voudront du côté artistique, je ne m'en mêlerai certainement pas du côté de l'appréciation du créateur. »

Cinéma Québec avait mis sur pied un «comité de sages» dans la foulée de la publication, mardi, d'une biographie du défunt cinéaste, mais dont les allégations ne reposaient que sur la foi de témoins anonymes.

Or, la pression s'est accentuée mercredi lorsque La Presse a publié mercredi une entrevue avec une présumée victime de Claude Jutra, qu'il aurait agressée à partir de l'âge de six ans.

M. Roy a reconnu que la publication de cet article avait amené Québec Cinéma à réagir plus promptement. La décision était prise en matinée, et le conseil d'administration l'a approuvée à l'unanimité.

Le «comité de sages» sera présidé par l'ex-juge Suzanne Coupal et accompagnera l'organisme dans les prochaines démarches, a indiqué Mme Roederer.

La ministre Joly appuie la décision de Québec Cinéma

La ministre du Patrimoine canadien Mélanie Joly appuie la décision de Québec Cinéma de modifier le nom des prix Jutra à la suite du témoignage d'une présumée victime d'un geste pédophile de la part du cinéaste Claude Jutra. 

« C'est extrêmement choquant comme histoire. J'appuie non seulement la décision de Québec Cinéma mais aussi les démarches que la ministre David [visant à informer les villes des lieux publics portant le nom de Claude Jutra] », a indiqué la ministre Joly. 

Ottawa vérifiera aussi s'il y a des « noms » ou des « références » à M. Jutra dans le cadre des différents programmes fédéraux. « Si c'est le cas, on fera des changements », a dit la ministre Joly, qui assistera à la remise des prix du cinéma québécois le 20 mars prochain. La ministre Joly a salué le « courage » de la présumée victime qui a raconté son histoire ce matin. « Les propos sont bouleversants. L'histoire est extrêmement préoccupante », dit-elle, voulant « s'assurer que nos pensées soient avec la personne qui a décidé de prendre tout son courage pour témoigner. »

- Avec La Presse Canadienne