Aucun film québécois ne s'étant distingué de façon vraiment très nette en 2015, la course aux Jutra s'annonçait des plus ouvertes. Les sélectionneurs ont visiblement tranché en faveur du cinéma d'auteur. Cela dit, certains titres attendus de ce côté - Chorus, Endorphine - sont aussi ignorés que les productions populaires comme Le mirage ou Paul à Québec. Drôle d'année.

Malgré tout, une cohérence

De l'avis même de la plupart des observateurs réunis hier au Monument-National, la liste des films et artisans cités pour la 18e Soirée des Jutra, qui se tiendra le 20 mars, recèle autant de raisons de se réjouir que de se désoler. On ne pourra toutefois pas accuser les sélectionneurs d'avoir manqué de cohérence. 

Quatre longs métrages sont en effet retenus dans les trois plus prestigieuses catégories du gala: meilleur film, meilleure réalisation et meilleur scénario. La passion d'Augustine (Léa Pool), Corbo (Mathieu Denis), Les êtres chers (Anne Émond) et Félix et Meira (Maxime Giroux) effectuent ce tour du chapeau. Les démons, très beau film de Philippe Lesage, est cité comme meilleur film et meilleure réalisation (ses deux seules mentions), mais la sélection dans la catégorie du meilleur scénario lui échappe au profit du film de Rafaël Ouellet Gurov et Anna, lequel, du reste, compte là son unique accolade. 

Des 42 longs métrages de fiction admissibles, plus de la moitié, 23 à vrai dire, voient leur titre épinglé au tableau d'honneur. C'est beaucoup.

Cela dit, il y a quand même lieu de se réjouir, particulièrement pour Léa Pool. En plus de dominer la course grâce à 10 sélections (le même nombre que Corbo de Mathieu Denis), La passion d'Augustine constitue le plus grand succès public qu'a connu la réalisatrice de La femme de l'hôtel à ce jour. «Je suis évidemment très heureuse de cette reconnaissance des pairs, a-t-elle déclaré hier. On dit toujours qu'on ne porte pas trop attention à ces choses-là, mais quand elles arrivent, ça fait vraiment plaisir!»

On la comprend.

De grands absents

S'il y a lieu de se réjouir aussi pour des productions comme Corbo, Félix et Meira et Les êtres chers, il reste que certains titres aussi méritoires n'ont pas eu droit à la même dose d'amour. 

On peut notamment déplorer que Chorus, le remarquable film de François Delisle, ne soit cité que deux fois (meilleure actrice - Fanny Mallette - et meilleur montage). De même, la très belle adaptation qu'a faite François Bouvier de la bande dessinée de Michel Rabagliati, Paul à Québec, ne semble pas avoir touché le coeur des sélectionneurs de la même façon qu'à peu près tout le monde. Une seule sélection pour le film, réservée à Gilbert Sicotte. C'eût d'ailleurs été un scandale si le lauréat du Jutra du meilleur acteur d'il y a quatre ans (grâce au film de Sébastien Pilote Le vendeur) avait été ignoré. Par ailleurs, la stratégie empruntée pour Endorphine ne s'est pas révélée payante. Sorti dans une salle de Rivière-du-Loup pendant une semaine en 2015 afin d'être admissible dès cette année, le film d'André Turpin a complètement été écarté de la course.

De leur côté, les deux films les plus populaires de l'année doivent se contenter d'une présence famélique. 

La guerre des tuques 3D est cité deux fois (direction artistique et montage), tandis que Le mirage, une réalisation de Ricardo Trogi, ne décroche qu'une seule sélection (Christine Beaulieu est en lice pour la meilleure actrice de soutien). Le producteur et scénariste du film, Louis Morissette, disait hier être déçu, surtout pour le réalisateur et Julie Perreault, sa partenaire de jeu. «Cependant, je dois avouer ne pas avoir vu tous les films en nomination. Je vais donc me fier au bon jugement des membres de l'Académie!», a-t-il ajouté.

Le Billet d'or - encore du suspense!

En plus des 15 trophées réservés aux longs métrages de fiction, on remettra le 20 mars le Jutra du meilleur court métrage de fiction, du meilleur court métrage d'animation et du meilleur long métrage documentaire, tous désignés par un jury. Un Jutra Hommage sera aussi décerné à l'éminent compositeur François Dompierre.

On attribuera également le Jutra du film s'étant le plus illustré à l'étranger. Chorus (François Delisle), Elephant Song (Charles Binamé), Félix et Meira (Maxime Giroux), La passion d'Augustine (Léa Pool) et Turbo Kid (Anouk Whissell, François Simard et Yoann-Karl Whissell) sont en lice dans cette catégorie.

Puis vient le fameux Billet d'or. Ce prix est remis au film ayant enregistré le plus grand nombre d'entrées (et non le plus de recettes) dans les salles du Québec en 2015. À cet égard, l'organisation des Jutra n'est pas encore en mesure de déterminer le film gagnant, étant donné que les données ne seraient pas entièrement compilées par l'Observatoire de la culture et des communications du Québec. Aux dernières nouvelles, la joute s'annonçait toujours serrée entre Le mirage et La guerre des tuques 3D. Juste revanche. Pour l'un comme pour l'autre.

PHOTO FOURNIE PAR CHRISTAL/SÉVILLE

Le mirage, de Ricardo Trogi