(Cannes) Chaque jour, La Presse présente des films vus sur la Croisette.

La chimera, d’Alice Rohrwacher : un beau brin de folie

Tous les longs métrages d’Alice Rohrwacher ont été lancés au Festival de Cannes. La chimera (La chimère) est son troisième à concourir pour la Palme d’or, neuf ans après Les merveilles (Grand Prix du jury) et cinq ans après Heureux comme Lazzaro (prix du meilleur scénario). La cinéaste italienne, jeune quadragénaire, a su imposer un univers parfois empreint de mystère, qu’elle déploie dans un style qui lui est propre. Son nouvel opus ne fait pas exception à la règle. Josh O’Connor (dont le rôle le plus connu est celui du prince Charles dans la série The Crown) se glisse dans la peau d’Arthur, un homme revenant après un moment d’absence dans sa petite ville sur le bord de la mer Tyrrhénienne. D’origine anglaise, mais bien intégré dans la société italienne, Arthur est un peu dans le trouble, dans la mesure où il a mis son don particulier au service d’une bande de pilleurs de tombes étrusques et de merveilles archéologiques, dont l’intérêt est purement mercantile. Arthur peut en effet ressentir les espaces vides sous la terre, où se retrouvent souvent les vestiges du passé. En juxtaposant cette histoire à celle, plus intime, d’un protagoniste sans repères qui retourne dans la famille de son amoureuse disparue, Alice Rohrwacher propose une histoire touchante, toujours saupoudrée d’un brin de folie. Ce quatrième long métrage de la cinéaste est magnifiquement interprété par une distribution d’ensemble impeccable, parmi laquelle se distinguent notamment, outre l’excellent Josh O’Connor, Carol Duarte et la toujours merveilleuse Isabella Rossellini. La société de distribution américaine Neon a acquis pour l’Amérique du Nord les droits d’exploitation de ce long métrage qu’Entract Films relaiera au Québec.

The Old Oak, de Ken Loach : gros message, gros moments d’émotion

Le plus primé des 21 cinéastes invités à concourir pour le plus beau laurier du cinéma mondial a clos la compétition sur une note d’émotion. Ayant toujours placé des thèmes liés à la justice sociale au cœur de son cinéma, Ken Loach, qui aura 87 ans le mois prochain, porte une fois de plus à l’écran un scénario de Paul Laverty, son fidèle complice. Situé en 2016 dans un petit village du nord-est de l’Angleterre, où le désœuvrement a cours depuis le démantèlement de la mine de charbon, le récit relate les tensions qui s’installent entre les habitants lorsqu’arrivent au village des réfugiés syriens. The Old Oak est le nom du seul pub encore ouvert dans les environs, tenu à bout de bras par TJ (Dave Turner), un brave type qui tient à prendre part à l’effort collectif pour accueillir les réfugiés, tout en ne froissant pas sa clientèle traditionnelle, qui voit d’un mauvais œil la présence de ces étrangers dans le patelin. Faisant écho au racisme désinhibé qui s’exprime désormais sans gêne sur les réseaux sociaux et dans la vraie vie, le récit est bien entendu parsemé de messages soulignés à gros traits, comme il arrive parfois au cinéaste britannique de le faire. En revanche, le vétéran sait mieux que personne créer de véritables moments d’émotion, empreints d’authenticité. Sélectionné en compétition officielle pour la 15e fois, déjà 2 fois lauréat de la Palme d’or (The Wind that Shakes the Barley en 2006 et I, Daniel Blake en 2016), Ken Loach pourrait marquer l’histoire en devenant le premier cinéaste à obtenir la récompense suprême une troisième fois. Qu’en dira le jury ? TVA Films distribuera The Old Oak au Québec. Aucune date de sortie n’est encore fixée.