(Cannes) Chaque jour, La Presse présente des films vus sur la Croisette.

L’été dernier, de Catherine Breillat : au plus près de l’intime

Après 10 ans d’absence (son dernier film est Abus de faiblesse, réalisé en 2013), Catherine Breillat est de retour avec un long métrage inspiré de Queen of Hearts, un film danois réalisé par May el-Toukhy en 2019 (lauréat à l’époque d’un prix du public au festival de Sundance). Mettant en vedette Léa Drucker et Samuel Kircher (le frère de Paul, révélé dans Le lycéen, fait ici ses débuts au cinéma), L’été dernier relate comment Anne, une femme plus mûre, s’y prend pour sauvegarder sa vie de famille après s’être laissé séduire par Théo, un jeune homme de 17 ans, fils de son conjoint. Réputée provocatrice, la réalisatrice de Romance aborde de nouveau un sujet délicat, mais en empruntant cette fois une approche plus posée. Évacuant d’emblée la question morale que soulève cette liaison dont le jeune homme a eu l’initiative, la cinéaste s’attarde plutôt aux moyens qu’utilise Anne pour tenter de sauver la face quand l’affaire éclate au grand jour. Filmant souvent les visages de ses personnages en gros plans avec une caméra amoureuse (magnifique travail de Jeanne Lapoirie à la direction photo), Catherine Breillat creuse ainsi l’intimité de ses protagonistes, sans jamais tomber dans l’impudeur ou la complaisance. Léa Drucker et Samuel Kircher sont crédibles et offrent de magnifiques performances. L’été dernier marque le beau retour d’une cinéaste affligée par la maladie au point d’en avoir un temps perdu l’envie de faire du cinéma.

L’enlèvement, de Marco Bellocchio : comme des tableaux de grands maîtres

PHOTO FOURNIE PAR AD VITAM

Image tirée de Rapito (L’enlèvement), un film de Marco Bellocchio

En compétition officielle à Cannes une première fois il y a 43 ans (Le saut dans le vide avait alors valu des prix d’interprétation à Anouk Aimée et à Michel Piccoli), le maître italien Marco Bellocchio, 83 ans, est cette année en lice pour la Palme d’or pour la huitième fois. De facture classique, L’enlèvement fait écho à un réel évènement historique, survenu à Bologne en 1858. Cette année-là, les soldats du pape ont fait irruption dans une famille juive pour en extirper l’un des enfants, âgé de 7 ans, qui, bébé, aurait été baptisé en secret par une nourrice. Or, la loi pontificale est indiscutable. Un enfant baptisé doit recevoir une éducation catholique. L’enlèvement décrit ainsi les efforts que font les parents pour récupérer leur fils face à l’intransigeance du pape Pie IX, l’impact politique qui découle de cette affaire (la famille est soutenue par l’Italie libérale et la communauté juive internationale), de même que les effets de ce nouvel endoctrinement sur le petit garçon. Grâce à une mise en scène d’une méticulosité incroyable, appuyée par des images remarquables ressemblant souvent à des tableaux de grands maîtres, Marco Bellocchio propose un film de très grande qualité. Ne soyons pas surpris si cette plus récente œuvre du vétéran figure au palmarès samedi.