(Cannes) Accompagnée de Magalie Lépine-Blondeau et de Pierre-Yves Cardinal, les deux acteurs principaux de Simple comme Sylvain, Monia Chokri a séduit les festivaliers grâce à un film à la fois drôle et touchant, qui pose de belles questions à propos du sentiment amoureux.

Il y avait foule aux abords du Théâtre Claude Debussy, d’autant que la séance ayant précédemment eu lieu dans la même enceinte s’étant un peu éternisée, la première mondiale de Simple comme Sylvain a dû accuser un peu de retard. Avec grand enthousiasme, Thierry Frémaux a présenté celle qui, il y a quatre ans, s’était distinguée dans la même section – Un certain regard – grâce à La femme de mon frère, prix « Coup de cœur » du jury.

Monia Chokri, qui avait fait sa projection technique la veille en pleine nuit, s’est amenée sur scène avec l’idée bien arrêtée de livrer un message à propos de l’importance de fabriquer des œuvres dans un climat de bienveillance. La cinéaste faisait ainsi écho à ces récentes prises de paroles – on pense à celle d’Adèle Haenel notamment – où était dénoncé le silence entourant les inconduites de certains créateurs sous prétexte que leurs œuvres relèvent du génie.

Une grande fierté

Se tenant debout derrière avec les autres artisans du film, Magalie Lépine-Blondeau a essuyé une larme après avoir entendu le discours de son amie cinéaste. Dans une entrevue accordée aux journalistes québécois après la projection, l’actrice a expliqué que cette vive émotion était, en fait, le résultat de bien des choses.

PHOTO FRED GERVAIS, FOURNIE PAR IMMINA FILMS

Magalie Lépine-Blondeau et Pierre-Yves Cardinal dans Simple comme Sylvain, un film de Monia Chokri

« Évidemment, on voit le chemin parcouru pour arriver ici. J’ai ressenti une grande fierté pour mon amie Monia, une grande cinéaste et aussi une femme très cohérente dans sa pratique et son discours. J’ai d’ailleurs trouvé que son message lui ressemblait et faisait honneur à la façon dont le tournage s’est déroulé. On sent aussi à Cannes cette année un clivage entre une façon obsolète de faire les choses et les pratiques de nouvelles générations qui tendent vers quelque chose de plus heureux, de plus respectueux, de pas moins grand et porteur de sens pour autant. »

Le message a été bien reçu, et Simple comme Sylvain a été – avec raison – chaleureusement applaudi dès que le générique de fin est apparu. Monia Chokri s’était déjà affirmée à titre de cinéaste grâce à son court métrage Quelqu’un d’extraordinaire et à ses deux premiers longs métrages, La femme de mon frère et Babysitter, bien que ce dernier titre ait pu déstabiliser une certaine partie du public à cause d’un récit plus éclaté.

Empruntant cette fois une forme narrative plus linéaire, Monia Chokri propose son plus beau film. Bien maîtrisé, ponctué de dialogues pétillants, baignant dans une émotion crédible, Simple comme Sylvain donne à Magalie Lépine-Blondeau l’occasion d’incarner l’un de ses plus beaux rôles. La complicité entre l’actrice et Pierre-Yves Cardinal est tangible, et Monia Chokri filme magnifiquement les scènes d’amour entre les deux protagonistes, à la fois charnelles et pudiques, lesquelles font aussi évoluer le récit sur le plan narratif.

PHOTO FRED GERVAIS, FOURNIE PAR IMMINA FILMS

Magalie Lépine-Blondeau est la tête d’affiche de Simple comme Sylvain. Le film de Monia Chokri est sélectionné à Cannes dans la section Un certain regard.

« Nous avions beaucoup de scènes intimes à tourner, Pierre-Yves et moi, mais ce fut pour moi l’une des expériences les plus douces, a déclaré Magalie Lépine-Blondeau. Nous avions même hâte de les tourner parce qu’on trouvait que chacune d’entre elles racontait quelque chose de différent. Je m’estimais chanceuse d’être en confiance absolue dans les bras de mon partenaire. Monia et moi réfléchissons à ces questions depuis très longtemps parce qu’il arrive trop souvent qu’une actrice se retrouve avec la responsabilité de devoir réfléchir à comment être désirable plutôt que de réfléchir à ce que le personnage désire. »

Un lien entre deux obsessions

Dans cette histoire d’une intellectuelle de 40 ans qui tombe follement amoureuse d’un homme venu d’un milieu plus modeste, un peu plus « garroché » dans ses manières et son langage, Monia Chokri aborde aussi un sujet plus rare dans le cinéma québécois : la différence des classes sociales et les préjugés que les uns entretiennent envers les autres.

« Ce film relie mes deux obsessions : l’impossibilité de l’amour et la lutte des classes », a expliqué la cinéaste au cours de la rencontre de presse. « J’ai été éduquée et élevée par des parents très militants. C’est dans mon ADN. J’avais le goût de me critiquer et de me mettre en danger en me posant des questions. C’est bien beau d’affirmer qu’on est de gauche, qu’on est ouvert, qu’on milite pour l’environnement et qu’on est en faveur de l’immigration, mais dans la pratique, est-on capable de dialoguer avec quelqu’un de très différent de nous ? »

Aussi appuyé par de solides personnages secondaires (mention au couple que forment Christine Beaulieu et Mathieu Baron !), Simple comme Sylvain distille un humour très efficace, mais reste toujours dans les limites de la bienveillance. Soulignons également l’apport de l’as directeur photo André Turpin.

Distribué par Immina Films, Simple comme Sylvain prendra l’affiche le 22 septembre au Québec.