Alors que la 79e Mostra de Venise amorce sa dernière ligne droite, un constat s’impose : le cinéma se porte bien. On ne peut encore prédire qui mettra la main sur le Lion d’or, mais le jury, présidé par Julianne Moore, aura assurément l’embarras du choix, peu importe la direction qu’il empruntera.

Seize des vingt-trois longs métrages en lice pour le Lion d’or ont maintenant été présentés. Plusieurs propositions de cinéma très fortes ont été jusqu’à maintenant offertes aux festivaliers, lançant ainsi le message d’une santé vigoureuse sur le plan créatif, malgré toutes les transformations que subit le 7e art sur le plan de la diffusion.

Qu’elles soient explosives (Athena, de Romain Gavras) ou plus directement tournées vers l’intime (Les enfants des autres, de Rebecca Zlotowski), qu’elles empruntent une tonalité plus souriante (The Banshees of Inisherin, de Martin McDonagh) ou plus dramatique (TÁR, de Todd Field), qu’elles soient carrément politiques (Argentina, 1985, de Santiago Mitre) ou plus austères sur le plan de la mise en scène (Un couple, de Frederick Wiseman), aucune des œuvres sélectionnées dans la compétition officielle ne fait déshonneur.

PHOTO JOEL C RYAN, INVISION/ASSOCIATED PRESS

Noémie Merlant, Sophie Kauer, Nina Hoss, Cate Blanchett et Todd Field offrent une œuvre dramatique avec TÁR.

Blonde (Andrew Dominick), Saint Omer (Alice Diop) et The Son (Florian Zeller) font partie des films dont la présentation aura lieu au cours des prochains jours, sans oublier Khers Nist (No Bears), le film que le cinéaste iranien Jafar Panahi a pu tourner avant d’être de nouveau jeté en prison à Téhéran pour y purger une peine de six ans.

L’avantage du calendrier

Tirant manifestement avantage de la position de la Mostra dans le calendrier, Alberto Barbera, le directeur artistique, peut ainsi construire une sélection aussi alléchante que celle du Festival de Cannes, sans la contrainte qu’a son homologue français, Thierry Frémaux, de devoir écarter les œuvres produites par les diffuseurs en ligne.

Il reste maintenant à voir quelle direction empruntera le jury. Au cours des plus récentes années, on a eu tendance à célébrer à Venise autant les productions à vocation plus populaire que les films d’auteur plus pointus. Depuis 2008, cinq longs métrages américains ont obtenu la récompense suprême : The Wrestler (Darren Aronofsky) en 2008, Somewhere (Sofia Coppola) en 2010, The Shape of Water (Guillermo del Toro) en 2017, Joker (Todd Phillips) en 2019, et Nomadland (Chloé Zhao) en 2020. L’an dernier, L’évènement, d’Audrey Diwan, a reçu le Lion d’or, l’un des trois prix les plus prestigieux dans le monde des festivals avec la Palme d’or (Cannes) et l’Ours d’or (Berlin).

Il sera aussi intéressant de voir comment joueront les sensibilités culturelles. On constate en effet un important décalage entre les humeurs de la presse italienne et celles de la presse internationale, un peu de la même manière qu’il se manifeste à Cannes entre la presse française et celle du monde. De quel côté se rangera Julianne Moore, présidente du jury cette année ? Réponse samedi.

Christoph Waltz et Willem Dafoe, rivaux dans Dead for a Dollar

Présenté mardi hors compétition, Dead for a Dollar réjouira à coup sûr les amateurs de westerns, d’autant qu’on y trouve des performances formidables de Christoph Waltz et de Willem Dafoe, sans oublier celle de Rachel Brosnahan, qui campe un personnage féminin fort. Écrit et réalisé par Walter Hill, à qui le festival a remis le Glory to the Filmmaker 2022 Award, ce western relate le parcours d’un chasseur de primes (Waltz) du Nouveau-Mexique, embauché par un mari jaloux pour retrouver sa femme (Brosnahan) ayant fui le foyer conjugal. Campé en 1897, le récit mise aussi sur la rencontre entre un joueur professionnel (Dafoe) et celui à cause de qui il s’est retrouvé en prison.

Au-delà de l’aspect visuel, splendide, Dead for a Dollar se distingue grâce à cette façon d’intégrer de la modernité dans un genre classique.

« C’était une volonté de faire écho à l’affirmation des femmes dans notre société, tout en valorisant l’aspect traditionnel du western, a déclaré Walter Hill en conférence de presse. Ça peut paraître contradictoire, mais bon, on tente sa chance ! »

PHOTO ANDREAS SOLARO, AGENCE FRANCE-PRESSE

Willem Dafoe et Christoph Waltz à Venise.

Les journalistes italiens présents à cette conférence ont par ailleurs voulu savoir à quel point Sergio Leone avait été une influence dans le parcours d’un cinéaste dont pratiquement tous les films empruntent la forme d’un western dans leur construction dramatique.

« Évidemment, Sergio Leone occupe une place extrêmement importante dans l’histoire du cinéma. Il y a des cinéastes comme lui, John Ford, Akira Kurosawa et quelques autres, dont les œuvres sont si présentes dans l’inconscience collective qu’elles appartiennent maintenant au monde. Quand on réalise des films, il est impossible de se séparer totalement de ce qui s’est fait auparavant et c’est la raison pour laquelle on dit toujours que tel cinéaste est influencé par un autre cinéaste, issu d’une génération précédente. C’est normal d’être la somme de tout ce qu’on a vu, tout ce qu’on a aimé. En fait, nous sommes tous interreliés. »

Dead for a Dollar prendra l’affiche au Québec le 30 septembre.