(New York) Près de 50 ans après que Sacheen Littlefeather se soit présentée sur la scène des Oscars pour refuser un prix au nom de Marlon Brando et prononcer un discours dénonçant la manière dont les Autochtones sont présentés dans les films hollywoodiens, l’Académie du cinéma, des arts et des sciences lui a offert des excuses.

Lundi, le Musée de l’Académie du cinéma a annoncé que Mme Littlefeather, aujourd’hui âgée de 75 ans, serait l’invitée d’une soirée de « conversation, guérison et célébration » le 17 septembre prochain.

Lors du gala des Oscars de 1973, Marlon Brando a remporté le prix du meilleur acteur pour sa performance dans Le Parrain (The Godfather). Il ne s’est toutefois par présenté sur scène, envoyant à sa place Mme Littlefeather, vêtue d’une robe en peau de cerf et de mocassins.

Elle devenait alors la première femme autochtone à monter sur la scène des Oscars et avec un discours de 60 secondes, elle a expliqué que M. Brando ne pouvait pas accepter ce prix en raison « du traitement réservé aux Autochtones dans l’industrie du cinéma ».

Dans la salle, certaines personnes l’ont huée. L’acteur John Wayne, qui était présent en coulisses, était, semble-t-il, furieux. À l’époque, le gala de 1973 se déroulait en plein cœur du mouvement d’occupation mené par des Autochtones à Wounded Knee, au Dakota du Sud.

À la suite de ce coup d’éclat, Sacheen Littlefeather dit avoir été ridiculisée, discriminée et agressée pour cette brève dénonciation.

Au moment d’annoncer l’évènement, le Musée de l’Académie du cinéma a partagé le contenu d’une lettre envoyée le 18 juin dernier à Mme Littlefeather par le président de l’Académie, David Rubin. Dans la missive, il décrit le discours de la militante de « puissant message qui nous rappelle encore aujourd’hui la nécessité du respect et l’importance de la dignité humaine ».

PHOTO FREDERICK M. BROWN, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Sacheen Littlefeather, en 2010

« Les abus que vous avez subis en raison de cette déclaration étaient indus et injustifiés, a écrit David Rubin. Le fardeau émotif que vous avez porté et le coût pour votre propre carrière dans notre industrie sont irréparables. Pendant trop longtemps, le courage dont vous avez fait preuve n’a pas été reconnu. Pour tout cela, nous vous offrons à la fois nos excuses les plus profondes et notre admiration la plus sincère. »

Par voie de communiqué, Mme Littlefeather a répondu en disant qu’il était « profondément touchant de voir à quel point les choses ont changé » depuis qu’elle est montée sur scène pour refuser un Oscar il y a 50 ans.

« En ce qui concerne les excuses de l’Académie à mon endroit, nous les Autochtones sommes des gens très patients – ça fait seulement 50 ans ! », a-t-elle commenté.

« Nous devons toujours conserver notre sens de l’humour, peu importe les circonstances. C’est notre moyen de survie », a ajouté Mme Littlefeather.

Pour la soirée organisée au Musée de l’Académie à Los Angeles, l’invitée d’honneur participera à une discussion avec le producteur Bird Runningwater, co-président de l’Alliance autochtone au sein de l’Académie.

Dans un balado enregistré plus tôt cette année avec la directrice du Musée de l’Académie, Jacqueline Stewart, Mme Littlefeather a abordé les raisons qui l’ont poussé à faire sa dénonciation publique en 1973.

« Je sentais qu’il aurait dû y avoir des Autochtones, des Noirs, des Asiatiques, des Latino-Américains. Je sentais qu’il devait y avoir une véritable inclusion, avait déclaré Mme Littlefeather. Un arc-en-ciel de personnes qui devraient être impliquées dans la création de leur propre image. »